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Au point de vue physique, le Japonais a aussi de grandes qualités militaires : l’endurance, la sobriété, des facultés de marche tout à fait remarquables, que l’on ne connaît bien que lorsqu’on a pratiqué les voyages en djinriksha, ces petits cabriolets traînés par un ou deux hommes, dont il existe 200 000 au Japon, — alors qu’il n’y a que 100 000 voitures ou chariots traînés par des chevaux et 20 000 traînés par des bœufs, — et avec lesquels on parcourt non seulement les villes, mais l’Empire tout entier. Il me souvient d’avoir fait un jour en douze heures, dont deux de repos, 80 kilomètres en cet équipage traîné par les deux mêmes hommes. Certes, ce sont là des professionnels, mais à la quantité des djinriksha, on voit qu’ils sont nombreux, et tous les paysans sont fort entraînés à la marche. Le Japonais est très petit, la taille moyenne des hommes est inférieure à celle d’une femme européenne, à peine plus de 1m, 50 ; mais on peut se demander si ce n’est pas un avantage dans la guerre actuelle, d’autant qu’il est souvent trapu et habitué à porter des fardeaux. Enfin il applique aux choses militaires son extrême facilité d’assimilation. J’ai vu instruire à Tokio des recrues arrivées au corps depuis six semaines, qui n’avaient jamais porté le costume européen et qui étaient, certes, plus à l’aise dans leur uniforme que nos conscrits après le même temps de caserne.

Dès leur premier contact avec les Européens, au XVIe siècle, les Japonais avaient pris un intérêt particulier à leurs méthodes militaires et à leur armement, et s’étaient hâtés de les imiter. Le navigateur portugais Mendez Pinto, le premier Européen qui séjourna au Japon, raconte que lors de son arrivée, en 1545, il fit présent d’une arquebuse au prince de Tanegashima qui l’avait reçu : quand, cinq mois après, il quitta le pays, les armuriers du lieu avaient déjà fabriqué six cents armes pareilles ; peu d’années après, on l’assurait, non sans exagération peut-être, qu’il y en avait trente mille dans la capitale de la province de Bungo, et trois cent mille dans toute cette province. En 1582, l’artillerie jouait déjà un rôle important dans la bataille de Shigutake, l’une des grandes victoires d’Hydeyoshi, le « Napoléon japonais. »

A la fin du XIXe siècle, il n’en alla pas autrement qu’au milieu du XVIe. En 1867, avant même que le shogounat fût tombé, et que l’ère des grandes réformes fût ouverte, arriva au Japon