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45 millions au 31 décembre 1900, non compris Formose et les Pescadores, en aurait 55 millions avant 1920. À cette population débordante, il faut un exutoire.

Où le trouver ? Ce ne peut être dans les districts montagneux du Japon, dans cet Extrême-Orient où les violentes pluies d’été et les typhons, les terribles tempêtes tournantes des tropiques remontent jusqu’en pleine zone tempérée : au Japon et en Corée, où ils rencontrent les hivers arctiques, toute la terre des montagnes est entraînée dès qu’on les déboise. On ne l’a déjà que trop fait. En dehors des montagnes, l’introduction de cultures variées, l’élevage, permettraient à de plus nombreux habitans de subsister dans le Nord de la grande île de Niphon où la population, bien moins serrés qu’au Centre et au Sud, n’est guère plus dense qu’en France, mais les méthodes de culture sont longues à changer, dans un pays de petite propriété surtout, et ce n’est encore là qu’un palliatif très insuffisant.

Les Japonais ont bien déjà deux colonies : une nouvelle, Formose ; une ancienne, Yeso ou Hokkaïdo. Formose a déjà soixante-quinze habitans au kilomètre carré ; une grande partie de l’intérieur est couverte de montagnes et de forêts tropicales, habitée par des tribus sauvages ; c’est plutôt une colonie d’exploitation qu’une colonie de peuplement. Elle reçoit, d’ailleurs, quelques immigrans puisque, au 31 décembre 1900, il s’y trouvait déjà 38 000 Japonais, dont 13 500 femmes, au lieu de 16 000 dont 3 500 femmes à la fin de 1897.

Yezo est vraiment une terre vacante : 94 000 kilomètres carrés, près du cinquième de la France, un quart de tout le Japon, et 17 000 indigènes seulement, les Aïnos, chasseurs et pêcheurs, faibles restes d’une race qui occupait il y a un millier d’années tout le Nord du Japon, jusques et y compris Tokio, sa capitale actuelle et peut-être, aux âges préhistoriques, l’archipel japonais entier. Jusqu’à la révolution de 1868, les Japonais n’avaient guère colonisé que la pointe méridionale d’Yezo ; même en 1881, cette île n’avait encore que 190 000 habitans ; depuis, on s’est mis sérieusement à l’œuvre, et, au 31 décembre 1898, l’île en comptait 610 000 dont 17 000 indigènes. Il y arrive, bon an mal an, 50 000 immigrans ; et il ne s’en retourne pas plus d’une dizaine de mille ; comme l’excédent annuel des naissances sur les décès est de quinze mille environ, la population d’Yezo doit atteindre aujourd’hui près de 900 000 âmes.