Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/270

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une longue soirée où elle avait subi la conversation obligatoire, s’écriait avec une conviction profonde : « Cela devient une obsession. Qui me délivrera d’Oreglia, de Rampolla, de Gotti et de Vannutelli ? »

Les cardinaux laissaient les mouches bourdonner, les guêpes piquer, et, indifférens, du moins en apparence, à cette agitation vaine, s’occupaient des devoirs nouveaux que leur créait la situation. Il y avait à faire part de la mort du Pape aux chefs d’Etat, à célébrer ses funérailles et à préparer le Conclave. Cela prit dix jours, pendant lesquels tous les cardinaux étrangers eurent le temps d’arriver, à l’exception de l’archevêque de Sidney.

Dès que le Saint-Siège devient vacant, le secrétaire d’Etat cesse immédiatement ses fonctions et le pouvoir passe en principe au Sacré-Collège tout entier ; mais, en fait, il est exercé par une commission exécutive composée des trois chefs d’ordre, c’est-à-dire du plus ancien des cardinaux évêques, des cardinaux prêtres, et des cardinaux diacres, qui dans la circonstance étaient Oreglia, doyen et Camerlingue, Rampolla, et Macchi. Le cardinal Oreglia exerçait l’autorité principale. Dès que le Saint-Père eut rendu le dernier soupir, il sortit le premier de la chambre mortuaire et fut conduit en grande cérémonie à l’appartement qui avait été disposé pour lui au premier étage du palais. C’est lui qui présida toutes les réunions, qui décida les mesures urgentes, et qui prit toutes les initiatives ; mais rien d’important ne fut décidé sans le vote du Sacré-Collège, réuni en assemblée plénière. Neuf congrégations générales furent ainsi tenues dans la salle du Consistoire, où le nombre des délibérans augmentait chaque jour au fur et à mesure que les cardinaux venaient du dehors. Dans la première de ces réunions, fut donnée lecture d’une constitution apostolique, datée de l’année 1883, par laquelle Léon XIII renouvelait les prescriptions de son prédécesseur relatives au Conclave et aux précautions à prendre pour en garantir l’indépendance. A la première menace contre la liberté des délibérations, le Sacré-Collège devait chercher asile hors de l’Italie. Cette question de la translation du Conclave ne fut pas même discutée, car les cardinaux étaient rassurés sur les intentions du gouvernement italien par ses déclarations réitérées et par le précédent de 1878. Personne ne fut tenté de courir la grosse aventure d’aller voter à l’étranger et l’on pensa avec raison que c’était encore à Rome que les choses se passeraient le plus tranquillement et le plus régulièrement.