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reformé et il a fallu recommencer l’opération. Les deux médecins se sont adjoint un confrère illustre de Rome, le docteur Rossoni. Ils avaient songé au docteur Baccelli, qui passe pour avoir un diagnostic excellent. Mais Baccelli est ministre et l’on n’a pas osé le proposer au Pape. « Il ne voudra jamais, disait un camérier, être guéri par un ministre. »

Tous ceux qui ont leurs entrées au Vatican y vont quotidiennement aux nouvelles. Cardinaux, ambassadeurs, ministres, princes romains et prélats montent et descendent l’escalier royal, échangeant, à la rencontre, leurs impressions et leurs renseignemens. Le soir, à l’heure de la seconde consultation, la salle du trône est remplie, le docteur Lapponi apparaît, tenant en main le bulletin dont il donne lecture et qu’il commente brièvement pour répondre aux questions dont il est assailli. Mazzoni passe rapidement, essayant d’échapper aux interrogations ; mais, en sortant du palais, il tombe dans l’embuscade des reporters, qui le harcèlent, qui parfois montent dans sa voiture ou le poursuivent jusque dans sa maison dont ils forcent l’entrée. Que répondent les pauvres médecins ? Que le cas est extrêmement grave, qu’une pleurésie et quatre-vingt-treize ans réunis constituent un mal à peu près incurable, mais pourtant qu’ils ont affaire à un malade extraordinaire et qu’il reste un tout petit fil d’espoir. Et chacun s’en va avec ses impressions particulières, les diplomates rédigent leurs dépêches, les personnes pieuses prient, et les journées se passent dans cette attente pénible. Il n’y a plus dans Rome d’autres préoccupations et les journaux de toute opinion sont remplis de nouvelles et de commentaires sur le sujet avec des titres à sensation : Grave malattia del Santo Padre. — Il papa peggiora. — Il papa operato di toracentesi. — Il papa migliora. — Speranze. — Delusioni. — Morte prossima.

Quoiqu’en général Léon XIII pensât beaucoup à la mort et parlât souvent de sa fin prochaine, il semble bien que dans les premiers jours de sa maladie il ne se soit point cru atteint mortellement. Le lendemain de l’Extrême-Onction, il disait à Mgr Angeli : « Vous croyiez donc que je ne passerais pas la nuit ? J’ai accepté volontiers, mais je ne pensais pas que la chose fût si urgente. »

Il réclama son courrier, que naturellement on ne lui donnait pas, et, le mercredi 8 juillet, se plaignait du retard que son mal apportait aux affaires : « Quelle bonne journée de travail nous