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sinon le résultat de la bataille de Waterloo ; qu’il n’avait aucun avis de sauf-conduits demandés pour Napoléon, mais qu’il allait s’informer auprès de son chef, l’amiral Hotham, stationné dans la baie de Quiberon, si on les avait reçus ; qu’en attendant cette réponse, il attaquerait les frégates si elles sortaient de la rade ; enfin qu’il visiterait les bâtimens de commerce français et les bâtimens neutres, et que, s’il y trouvait Napoléon, il le retiendrait prisonnier jusqu’à la décision de l’amiral. Au cours de cet entretien, le brick le Falmouth, arrivant de la station anglaise de Quiberon, accosta le vaisseau. Le capitaine apportait des dépêches de l’amiral Hotham. Maitland les ouvrit, mais ces dépêches ne se rapportaient pas, sans doute, à l’objet de la mission des parlementaires ; du moins il ne leur en dit rien. On déjeuna ; à table la conversation reprit. Tout en causant, Rovigo et Las Cases s’efforçaient, sans vouloir y paraître, de démontrer au capitaine anglais que l’Empereur n’était nullement réduit à la nécessité de quitter la France. Son parti, disaient-ils, était encore formidable. S’il voulait continuer la guerre, il pourrait résister longtemps ; mais il ne pouvait se résoudre à faire couler le sang dans son seul intérêt. La conclusion de ces paroles était que, pour empêcher une reprise des hostilités, l’Angleterre devait laisser partir l’Empereur. Maitland paraissait incrédule. « — A supposer, objecta-t-il, que l’Angleterre se déterminât à accorder un sauf-conduit pour les Etats-Unis, quel gage Napoléon donnerait-il qu’il n’en reviendrait pas prochainement pour exposer mon pays et l’Europe aux mêmes sacrifices de sang et d’argent qu’ils ont déjà eu à supporter ? — Les circonstances ont bien changé depuis l’an dernier, répliqua Rovigo Alors, l’Empereur a abdiqué contraint par une faction. Aujourd’hui, il a volontairement renoncé au pouvoir. L’influence qu’il exerçait sur la France lui paraît usée. C’est pourquoi il veut se retirer dans quelque retraite obscure où il finira tranquillement ses jours en vivant de ses glorieux souvenirs. — S’il en est ainsi, dit tout à coup Maitland, pourquoi ne pas demander un asile en Angleterre ? »

C’était la parole qu’attendaient Las Cases et Rovigo. Mais ils ne se livrèrent point. Afin de pénétrer la signification que Maitland donnait au mot asile, ils feignirent d’être surpris par cette ouverture et y opposèrent tout de suite de nombreuses objections. Le climat de l’Angleterre était trop humide et trop froid. En Angleterre, l’Empereur serait trop près de la France ; on le