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Il existait cependant un organe mystérieux et obscur du pouvoir exécutif, dont la fonction spéciale était ou aurait dû être d’examiner dans son ensemble la question de la défense impériale et de déterminer les fonctions respectives de l’armée et de la marine dans la poursuite d’une politique et d’une action coordonnées. Cet organe, portant le nom de « conseil de défense, » n’était connu que de quelques personnes adonnées à l’étude de la constitution britannique. Comme il ne coûtait rien, — peut-être, a-t-on dit, ne vaut-il pas plus qu’il ne coûte, — il échappait à tout contrôle des Chambres. Il n’a d’ailleurs pas d’archives, il n’existe pas de procès-verbaux de ses séances, il ne reste aucune trace permanente de son œuvre. C’est cet organe embryonnaire qu’il s’agissait maintenant de développer. En août 1902, M. Balfour, devenu premier ministre après la retraite de lord Salisbury, déclara à son tour aux Communes que le problème de la défense impériale ne pouvait être abandonné à l’action isolée de deux départemens s’ignorant volontairement l’un l’autre. Le 13 janvier 1903, amené à parler à Liverpool du comité de défense : « Cette institution, dit-il, déjà vieille de quelques années et pourtant sans histoire, doit devenir un centre vivant de la politique impériale. Il a été jusqu’à présent un comité du cabinet intérieur dans le ministère ; il doit constituer un organe indépendant. Ses membres seront, par exemple, le premier ministre, le président du Conseil, le premier lord de l’Amirauté, le secrétaire d’Etat pour la guerre, le commandant en chef, le premier lord naval, les directeurs des services de renseignemens (Intelligence Department) à la guerre et à la marine. Le fonctionnement d’un tel corps donnera à la politique militaire et navale de l’Empire un esprit de suite, une cohésion qu’elle n’a jamais eus jusqu’ici. Ses décisions sans doute n’engageront pas le cabinet, qui conservera sa liberté d’action, soumise au contrôle, en dernier ressort, de l’opinion publique exprimée par le Parlement ; mais elles n’en exerceront pas moins une très grande influence, d’autant que désormais les comptes rendus de ses travaux seront conservés et constitueront des documens officiels. »

Le long débat poursuivi sur cette question eut sa sanction à la Chambre des lords sous la forme d’une résolution présentée par lord Rosebery, votée le 17 mars 1903, et disant : « La Chambre approuve la constitution d’un conseil de défense nationale et espère sérieusement que les premiers efforts de ce conseil