Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maritime est pour elle une question de vie ou de mort, il lui faut donner à sa marine tous les crédits nécessaires au maintien de cette suprématie, si extravagans qu’ils puissent paraître. C’était toute la théorie de la politique navale en Angleterre ramenée un syllogisme.

Une autre conclusion tirée de ces débats par l’opinion publique, et par le Parlement fut que la question du rôle spécial de l’armée dans la défense de l’empire, ne peut plus être résolue par le War Office seul ; qu’elle doit l’être par une autorité plus élevée, par un « conseil de défense » puissamment constitué. Dans cette séance du 20 juin 1902, aux Communes, où lord Charles Beresford avait déclaré « pourrie » (rotten) l’administration de l’Amirauté, et dénoncé le défaut de responsabilité qui en était le vice principal, M. Arnold Forster, l’infatigable avocat de l’Amirauté, aujourd’hui ministre de la guerre depuis le remaniement du cabinet survenu en septembre 1903, établit la nécessité d’un organisme chargé d’unifier la préparation à la guerre sur terre et sur mer et d’inaugurer une politique rationnelle de défense impériale : « Il faut, dit-il, renforcer l’organisme intellectuel (intelleclual equipment) qui dirige, ou devrait diriger, les forces énormes de notre empire. Je suis convaincu que certaines questions sont et doivent rester hors de la sphère de contrôle des deux ministères agissant indépendamment l’un de l’autre… Je trahirais ma pensée si je ne reconnaissais la nécessité d’une préparation beaucoup plus forte de la défense de l’empire[1]. »

On arrivait ainsi à reconnaître que ce qui avait manqué jusqu’alors en Angleterre, était une vue des questions relatives à la défense de l’empire plus large que celle que l’on en avait, soit à l’Amirauté, soit au War Office, isolément. La théorie et l’ordre parlementaires voulaient jusqu’ici que l’armée ne sût rien de la marine, la marine rien de l’armée ; qu’entre les deux services, munis chacun d’un budget séparé, il n’y eût ni communication ni contact. Quant à l’autorité collective du cabinet sur les deux services, l’expérience en avait montré l’insuffisance.

  1. Quelques mois auparavant, sir Charles Dilke avait développé des idées analogues dans un article de la Review (14 avril 1903). « Il faut, dit-il, amener lu publie à reconnaître la nécessité d’une coordination dans les questions affectant la défense de l’empire, entre le département de la marine, celui de la guerre et les autres services. C’est le seul obstacle à opposer aux prodigalités du War Office, la seule voie qui puisse conduire à une reconstitution rationnelle de l’armée. »