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Ce résultat peut être obtenu avec de faibles forces de cavalerie, pourvu que celles-ci soient actives, montées sur des chevaux rapides, et composées de bons tireurs rompus au combat de tirailleurs.

Est-ce à dire que notre cavalerie est plus nombreuse qu’il n’est nécessaire ? Bien au contraire. La cavalerie est appelée à jouer dans l’avenir un rôle beaucoup plus grand que par le passé. Dans ce siècle où la loi des accroissemens de vitesse est dominante, elle prend une importance insoupçonnée jusqu’à ce jour. Seule, elle permet, à un général dont les troupes sont engagées sur tout leur front et menacées d’un mouvement enveloppant sur un flanc ou sur leurs derrières, de jeter à temps un grand nombre de carabines, avec artillerie et mitrailleuses, au-devant de l’assaillant et de retarder assez sa marche pour se donner le temps de saisir la victoire.

Seule, la cavalerie permet de profiter sans retard d’une brèche éventuelle dans le front de l’ennemi pour l’attaquer ensuite à revers, ou envelopper brusquement une aile. Elle est l’arme essentielle de la guerre des chemins de fer et doit donc pouvoir attaquer et enlever un nœud vital, même couvert par des redoutes, même défendu par une nombreuse infanterie. Comme à Denain du temps de Villars, il faut qu’elle puisse s’emparer des ouvrages de campagne. Ses camarades de l’infanterie ne le feraient-ils pas si on pouvait les mener aussi rapidement qu’elle à pied d’œuvre ? Les carabines et le canon lui en donnent la faculté. Tout cela ne veut pas dire que la cavalerie doive être désormais de l’infanterie montée, qu’il n’y aura plus de combat à l’arme blanche et que toute idée de choc doive être abandonnée. Il est clair que, dans l’accomplissement d’une des missions qui viennent d’être indiquées, des rencontres soudaines avec la cavalerie de l’adversaire peuvent se produire. Mais il faut préciser ce principe, qui différencie la tactique actuelle de la précédente : c’est qu’on ne doit pas rechercher de bataille de cavalerie, précédant les grandes rencontres de toutes armes. Une pareille tactique n’aurait d’autre résultat que de faire détruire de la cavalerie en pure perte, car, si victorieuses qu’elles soient, les grosses masses de cavalerie n’en seront pas moins arrêtées par la mousqueterie des rideaux et ne pourront donner d’autres renseignemens que ceux que procureront quelques patrouilles bien et rapidement menées.