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étonnante. Toutes les armées européennes ont récemment augmenté considérablement leur artillerie et nos artilleurs souhaitent de n’avoir plus à agir avec de simples batteries. Ils estiment que l’action d’une brigade d’artillerie, ou tout au moins d'un régiment, doit être la plus petite unité qui doit toujours être gardée réunie.

« Avec leurs faibles moyens, les Boers ont agi avec des canons isolés. L’effet écrasant que produit un canon moderne sur nos champs de tir nous a pendant longtemps conduits à tout attendre de la puissance de préparation de l’attaque par l’artillerie. Partout où une attaque a été repoussée, la critique a décidé, avec la plus grande régularité, que la préparation nécessaire par l’artillerie avait été insuffisante.

« Ce reproche ne peut pas être fait aux Anglais. Ils ont toujours eu soin d’engager leur artillerie avec vigueur, avant que l’infanterie n’avançât vers l'ennemi. Un témoin oculaire digne de foi, qui a fait la guerre de 1870 et a combattu en décembre à Beaugency, où le duel d’artillerie fut particulièrement sévère, tout en ayant égard aux conditions de cette époque, affirme que la canonnade de Colenso était beaucoup plus violente. Les pentes de la Tugela, où les tirailleurs boers se tenaient, furent rapidement cachées par un nuage dense de poussière et d’éclats de pierre, dès que les obus commencèrent à tomber. Cependant le résultat fut insignifiant. Çà et là, un Boer derrière un rocher fut légèrement blessé. Lorsque l’infanterie anglaise s’approcha, en dépit de tout ce bombardement, le feu destructif de l’infanterie éclata, nullement affaibli, de derrière cette poussière. Ceci doit nous donner à réfléchir. Nous ne pouvons pas plus longtemps espérer que nous soulagerons notre infanterie de la partie la plus difficile de sa mission par une canonnade préparatoire, si puissant que puisse être notre canon. Les deux armes doivent agir en coopération étroite. Ce n’est que quand l’infanterie approche de l’ennemi abrité de telle sorte qu’il est forcé de sortir sa tête hors de ses tranchées et de ses trous, comme la tortue hors de sa carapace, qu’alors l’artillerie peut user de ses shrapnels effectivement et avec succès. Dans tous les autres cas, non.

« Un canon boer isolé, dans une position bien choisie, a fréquemment été capable de mener un long et heureux combat contre des batteries anglaises formées les unes à côté des autres. De même que pour l’infanterie, le problème n’est pas résolu par