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et les capitaux américains se substituent aux nôtres. Les Français ne font pas aujourd’hui le sixième du commerce total des îles ; la dernière grande maison française (Tandonet, de Bordeaux) a cessé ses affaires ; quelques autres bien moins importantes subsistent, mais la plupart d’entre elles cachent, sous des noms français, de l’argent étranger ; tout le trafic passe aux mains des Américains, des Australiens, des Allemands. Sans doute, San Francisco, Auckland, Sydney sont les grands ports les moins éloignés de Papeete, et il est naturel que Tahiti ait des relations fréquentes avec eux. Mais l’éloignement de la métropole n’est pas la cause principale du dépérissement du commerce national : le succès des maisons allemandes est là pour l’attester. Il suffirait que des relations directes fussent établies par une ligne française entre Nouméa et Papeete pour que la concurrence devînt possible à nos nationaux ; or, les seules communications commerciales de Tahiti sont, d’une part avec Auckland, par l’Union Steam Ship C°, et, d’autre part, avec San Francisco par l’Oceanic Steam Ship C° qui, non seulement, reçoivent de fortes subventions de leurs gouvernemens, mais touchent encore, de la colonie française, l’une 150 000 francs par an et l’autre 12 000 ! A plusieurs reprises, des tentatives ont été faites pour créer une ligne française : des négociations infructueuses ont été ouvertes avec les Messageries maritimes ; récemment, le gouvernement avait décidé de mettre en adjudication un service par bateau à voiles entre Nouméa et Papeete et un service de goélettes à pétrole entre Papeete et les groupes d’îles françaises. L’idée était heureuse et pratique ; une maison française se présenta, mais, au moment où tout allait être conclu, le ministère des Colonies imposa des conditions telles que les pourparlers durent être rompus et n’ont pas été repris. C’est dans cette déplorable situation qu’il faut chercher la vraie cause de la ruine du commerce français dans nos archipels polynésiens. Paris, la ville du monde où l’on travaille le plus la nacre, achète à Londres la nacre de Tahiti ! Le coprah, la vanille vont à San Francisco, et, de plus en plus, les colons s’habituent à tourner leurs regards vers les pays anglo-saxons ; la langue commerciale est l’anglais, on compte par pieds et par pouces, et les étoffes se mesurent au yard. Les importations françaises sont cependant favorisées par la dispense du droit de 16 pour 100, que payent les produits étrangers, et elles ne sont soumises qu’à l’octroi de