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il n’y aurait pas, aujourd’hui, une « question des Nouvelles-Hébrides, » si nous n’avions négligé, en différentes circonstances, de faire reconnaître en droit ce qui, depuis longtemps, existe en fait, la prédominance de l’élément français dans ce groupe d’îles. Il faudrait de longues pages pour retracer l’histoire accidentée de la Société française des Nouvelles-Hébrides et les péripéties à la suite desquelles un élément anglais put s’introduire dans l’archipel et contre-balancer l’influence française ; mais la situation actuelle nous intéresse seule aujourd’hui. Des tentatives de colonisation aux Hébrides, quelques-unes seulement ont réussi ; ce sont surtout celles de ces colons d’une catégorie un peu spéciale, coureurs d’aventures, « frères de la côte, » qui sont les plus aptes à se plier aux nécessités d’une entreprise de ce genre. Environ 200 ou 300 Français, la plupart venus de la Nouvelle-Calédonie, vivent là, au milieu des Canaques, loin des lois et des gendarmes ; ils font du coprah, cultivent du maïs et du café, trafiquent avec les indigènes et luttent contre la concurrence de 100 ou 150 Australiens., Depuis longtemps ces hommes d’énergie auraient fait triompher notre pavillon, si la mère patrie les avait efficacement soutenus. En 1894, un aviso débarqua quelques troupes ; mais l’émoi fut si grand parmi les Australiens, ils firent entendre à Londres des plaintes si vives, que notre ministre de la Marine se hâta de donner l’ordre de rembarquer les soldats. Depuis lors, la question des Hébrides est restée stationnaire, mais l’Australie met en œuvre de puissans moyens d’influence, tandis que nos colons sont à peu près réduits à leurs seules forces. Une société australienne de commerce et de colonisation s’est fondée ; soutenue par une subvention annuelle de plus de 300 000 francs, elle fait chaque mois un service régulier, avec de bons bateaux, entre les îles et le continent, et elle a réussi à drainer la plus grande partie du trafic. Que faisons-nous, de notre côté, pour soutenir la lutte ? La Société des Nouvelles-Hébrides est, depuis deux ans, en liquidation, malgré les versemens annuels de 300 000 francs que le gouvernement s’est engagé à lui fournir pendant quinze ans ; depuis plusieurs mois, le service régulier entre Nouméa et l’archipel est suspendu ; la Société est dans l’impossibilité de l’effectuer, et le gouvernement n’ose ni l’y contraindre ni s’imposer de nouveaux sacrifices pour assurer le service par d’autres moyens. Des négociations avec la Compagnie des Messageries maritimes, dont un paquebot annexe