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son commerce maritime et pour son expansion économique. Apia, dans le groupe des Samoa, occupe une position très favorable sur la route de l’Australasie à San Francisco et à Panama. Les Carolines et les Mariannes, à égale distance du Japon, de l’Australie et des Philippines, seraient, en cas de conflit en Extrême-Orient, un très utile poste d’observation pour l’escadre allemande ; l’ouverture du canal de Panama ne saurait manquer d’accroître encore leur importance ; avec Kiao-tcheou, sur la côte chinoise, avec la Terre de l’Empereur-Guillaume et Samoa, elles jalonnent une ligne allemande qui coupe en deux toute la partie vivante et habitée du Grand Océan ; ces possessions suffisent, en tout cas, pour donner aux Allemands l’occasion d’intervenir dans toutes les affaires de l’Extrême-Orient et d’y réclamer leur part de bénéfices. Malgré la concurrence américaine, leur commerce n’a cessé de s’accroître, grâce à l’excellente organisation de leurs services de cabotage ; si leurs propres colonies sont pour eux d’un revenu médiocre, ils sont merveilleusement habiles à tirer profit de celles des autres puissances. A Tahiti, aux Philippines, au Japon, en Chine, dans la Malaisie hollandaise, et jusque dans les îles anglaises, l’article allemand s’insinue et supplante ses concurrens. Par son commerce et ses possessions, l’Allemagne est loin d’être, dans le Pacifique, une puissance secondaire ; mais, pour y exercer une action politique prépondérante, il lui manque d’y posséder une forte assiette territoriale.

Cet empire territorial qui fait défaut à l’Allemand, le Hollandais le possède ; il s’est créé, dans la Malaisie, un immense domaine tropical, dont Java est le centre et dont une grande partie reste encore inexploitée et même inexplorée ; sans bruit, patiemment, avec la ténacité de sa race, il prend peu à peu possession effective de son vaste apanage et il l’organise. Rien ne serait plus intéressant que de montrer ce vaillant petit peuple s’adaptant à la vie tropicale, se faisant planteur de café ou de tabac à Java, ou encore d’étudier les procédés que le gouvernement des Pays-Bas applique aux races indigènes. On a souvent médit des méthodes coloniales hollandaises ; elles sont vieilles, on les connaissait déjà du temps de Colbert, mais en sont-elles pour cela plus mauvaises[1] ? Mais tel n’est pas aujourd’hui

  1. Un seul fait montre les résultats de la méthode appliquée au gouvernement des indigènes ; en un siècle, leur nombre a passé d’environ 4 millions à 23 millions.