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système de primes, l’importation américaine jouit en réalité d’un régime privilégié. Pour rendre la vie à ces îles si riches, pour les mettre en valeur, le plus grand obstacle est le manque de main-d’œuvre ; si le Malais, a-t-on dit, est le plus paresseux des Orientaux, le Philippin est le plus paresseux des Malais. La Chine, il est vrai, avec ses millions de bras en quête de travail, est un réservoir illimité de main-d’œuvre à bon marché. « Un Chinois, écrit M. Colquhoun, porte en courant un fardeau que quatre Philippins s’attellent pour traîner péniblement. » Mais l’invasion de cette race tenace et prolifique, qui accaparerait tous les métiers et tout le commerce, ruinerait les anciens habitans ; les Célestes et leurs métis n’y sont déjà, au gré des Yankees, que trop nombreux. Entre ces deux périls, l’envahissement chinois ou le manque de main-d’œuvre, les Américains hésitent et cherchent à recruter en Chine des travailleurs qui acceptent des contrats temporaires et qui rentrent dans leur pays à l’expiration de leurs engagemens. Quoi qu’il en soit, les Philippines, avec la merveilleuse baie de Manille, sont, pour le commerce et pour la puissance américaine dans les mers chinoises, une incomparable base d’opérations.

En Asie même, dans le Céleste-Empire surtout, le commerce des Etats-Unis a augmenté, dans ces dernières années, par bonds énormes ; dans toutes les grandes affaires de chemins de fer ou de mines, les Européens rencontrent la concurrence yankee ; le montant de leurs échanges était déjà, avant 1900, de près de 200 millions de francs ; il s’est depuis considérablement accru. A mesure que la Chine s’ouvrira aux chemins de fer, au commerce et à l’industrie, elle demandera, de plus en plus, de l’acier, des outils, des machines, que les Etats-Unis, avec leur production intense, seront en état de lui fournir au meilleur compte. Nous avons déjà fait mention de l’importation des cotonnades ; jusqu’à ce que les gisemens de la vallée du Yang-tse soient exploités, c’est aussi le pétrole américain qui éclairera les Chinois. Les Etats-Unis patronnent, à Tien-tsin et à Han-keou, des écoles professionnelles où de jeunes Chinois se forment à leurs méthodes commerciales et industrielles. En Corée, on vit apparaître un jour un parti américain, auquel les intrigues des missionnaires protestans et l’activité du ministre des Etats-Unis donnèrent, pendant quelque temps, une certaine importance politique ; des Yankees sont concessionnaires d’importantes entreprises :