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aux nouveaux venus l’ancienne population. Ils essayent aujourd’hui de réparer les erreurs du début, ils organisent l’administration, ils soutiennent et encouragent les missionnaires chrétiens, comptant sur eux pour hâter la pacification ; un missionnaire japonais est même l’un des ouvriers de cette évangélisation intéressée. Conquérans de l’île, les Japonais, qui, sur le continent asiatique, réclament à grands cris la « porte ouverte, » l’ont considérée comme un marché privilégié ; un droit de 10 pour 100 ad valorem, a été établi sur toute marchandise importée ; la récolte du camphre a été monopolisée par le gouvernement, qui s’occupe d’aménager et de protéger les forêts de camphriers ; le commerce de l’opium, qui était considérable, a été prohibé : toutes ces mesures ont déjà obligé plusieurs maisons anglaises à abandonner la place à leurs concurrens jaunes. La culture du thé, du riz et de la canne à sucre, surtout dans la partie nord et ouest, donnent de bons résultats ; les colons japonais y prospèrent. Le gouvernement consacre une subvention annuelle de quinze millions de francs à l’exploitation des mines de charbon médiocre de Kelung et de quelques gisemens de soufre, à l’extension des cultures, à l’établissement des colons, aux travaux publics, notamment à un chemin de fer qui doit traverser l’île du Nord au Sud, et aux travaux du port de Kelung. Mais les portions fertiles de Formose sont restreintes et il est à craindre que l’île ne « rende » pas à proportion des sommes que l’on y engloutit ; elle est avant tout, — avec sa précieuse annexe, cet archipel des Pescadores auquel l’amiral Courbet attachait tant de prix, — une admirable position stratégique. A l’Est, la mer qui la baigne est battue des vents et troublée par de fréquens typhons ; toute la navigation passe à l’Ouest, dans le canal qui sépare l’île de la Chine et qui réunit, comme le col d’un sablier, les deux ampoules énormes de la Méditerranée chinoise. Celui qui occupe fortement Formose et qui y dispose d’un refuge fortifié est le maître des routes maritimes dans tout le Pacifique occidental.

Cette terre d’émigration et de colonisation que Formose ne suffit pas à leur donner, les Japonais la cherchent depuis long- temps dans cette presqu’île qui s’allonge, comme un émissaire de l’Asie, au-devant de l’archipel nippon. Un détroit de 200 kilomètres, coupé par l’île de Tsu-Shima, sépare seul le Japon des côtes coréennes ; de tout temps, dans l’histoire, d’incessans