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dans les possessions anglaises ; 43 707, aux États-Unis d’Amérique. Il avait été, en outre, délivré 33 297 passeports pour l’étranger, dont 1 217 pour l’Angleterre, 2 929 pour la Chine ; 4 987 pour la Corée ; 3 375 pour la Russie ; 2 936 pour les États-Unis de Nord-Amérique ; 1 493 pour Vancouver ; 1 039 pour le Canada ; 12 952 pour Hawaï ; 1 128 pour l’Australie, etc., etc. Au total, 104 000 Japonais vivaient officiellement hors de leur patrie, à la fin de 1898.

Il est certain que ces chiffres ne représentent pas la vérité. Il suffit d’avoir habité quelque temps le Japon pour savoir que les nationaux de ce pays se dérobent autant qu’ils le peuvent aux formalités fiscales de l’émigration temporaire ou définitive, et « déguerpissent » très souvent à l’insu de leur gouvernement, qui, d’ailleurs, avoue implicitement cet état de choses en ne consacrant pas, dans les statistiques officielles, un tableau ou un feuillet spécial au mouvement migrateur. De plus, sauf les États-Unis d’Amérique du Nord, le monde anglo-saxon, dans l’Océan Pacifique, se rend de moins en moins perméable à l’émigration asiatique en général, et à la japonaise en particulier, parce que celle-ci est particulièrement incommode.

Depuis 1895 et 1900, les Japonais, infatués de leurs victoires sur la Chine, persuadés que ce sont les leurs qui ont pris Pékin et sauvé les Légations le 14 août 1900, grisés par les flatteries excessives, formulent des exigences de salaire et de traitement disproportionnées avec la valeur de leur travail, et sont toujours prêts à recourir aux pires violences des grèves pour obtenir le redressement de leurs griefs même les plus futiles. En outre, ils apportent, par le bas prix de leurs offres, une perturbation profonde dans le régime des salaires ouvriers et domestiques nécessaires aux blancs.

Au Canada, par exemple, ceux-ci ne peuvent renoncer à gagner les gros gages de 25 ou 30 francs par jour (maçon) ; 30 ou 40 (charpentier ) ; de 50 à 75 par mois (palefrenier, valet de chambre) ; de 100 à 125 par mois (cocher, cuisinier ou cuisinière). Dans ce pays presque vierge, où l’on voit encore, à Vancouver notamment, encastrés dans les trottoirs de bois, les troncs formidables des séquoias de la forêt, qui chantaient sous le vent hier, pour ainsi dire, à l’endroit où souffle dans sa corne le wattman du tramway électrique, un verre de bière est payé, à n’importe quel bar, 1 fr. 25 ; un coktail, 2 fr. 50 ; une bouteille de bière de table, le même prix ; une bouteille de vin, 5 francs ou 7 fr. 50 ; les fruits sont vendus à la pièce ! Or, les Japonais, exagérant encore le rabais consenti par les Chinois, contre lesquels il avait fallu élever un barrage fiscal, en 1885, et le surélever