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moi un gourdin, avec des menaces. C’est un inoffensif, sans doute, mais les scènes de cette matinée ont tendu mes nerfs à outrance. Je cours jusqu’à la porte. Enfin me voici sur la route, je monte dans le tramway qui m’emmène vers Paris, au petit pas tranquille de ses chevaux, sous le soleil écrasant. Le conducteur, dont le front ruisselle sur la monnaie qu’il rend, me paraît une vision heureuse.


Enfin, la date de l’examen oral est fixée. C’est pour le 3 juillet. Nous avons terminé nos compositions, dont les sujets m’ont parfois surprise, tant ils ont, dans certains cas, peu de rapport avec le métier à exercer. Qu’un professeur de pharmacie nous demande de lui décrire le traitement de la gale et celui du tænia, rien de plus naturel. Mais que, sous prétexte d’hygiène, on demande à des infirmières la description des couches calcaires et du système de filtrage employé dans l’adduction des eaux, cela me paraît chercher loin les élémens de leur instruction professionnelle.

Ne serait-il pas plus important de leur enseigner, et d’abord de mettre en pratique à l’hôpital, une sage prophylaxie de la tuberculose ? Le mal envahissant n’est enrayé par aucune mesure sérieuse et le personnel hospitalier y est exposé constamment. Aussi bien les statistiques sont là pour l’attester. Sur cent infirmières examinées dans un seul hôpital de Paris en 1903, quatre-vingt-six ont été reconnues atteintes ou suspectes de lésions tuberculeuses par le médecin préposé. Et cependant les mesures seraient simples à prendre, le mode de propagation du mal est bien connu. Et la campagne anti-tuberculeuse va se poursuivant, sans qu’on prenne garde qu’elle aurait dû commencer par les hôpitaux. On s’occupe des malades, on néglige ceux qui les soignent...


3 juillet. — Les infirmières ont subi leurs épreuves orales il y a deux jours. Cet après-midi, c’était notre tour. Convoquées pour quatre heures, nous arrivons, plus ou moins émues, selon l’usage, à la perspective des interrogations à subir. La journée est chaude, le soleil mord. On nous range dans un enclos situé derrière le bâtiment de la chapelle, et qui constitue le jardin du directeur de l’hôpital. De là, appelées deux à deux par ordre alphabétique, nous allons comparaître devant nos juges.