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fixent sur moi et j’entends une voix s’écrier : « A-t-elle de la chance de savoir par cœur ! »

On peut déduire de là ce que doit être la rédaction d’une de ces pauvres filles lorsqu’il faut traiter des sujets moins élémentaires. Au cours d’anatomie, par exemple, où le professeur, savant distingué, n’a pas craint de poser cette question à la dernière composition : « Décrivez l’articulation de l’épaule avec ses ligamens. » Et, par ailleurs, je ne vois pas bien l’utilité de notions de ce genre dans l’esprit de ces malheureuses, qui, sans doute, n’en trouveront jamais l’emploi dans leur tâche quotidienne.

Il est neuf heures, je termine. Autour de moi, les feuilles sont restées blanches, depuis que les manuels ont disparu. Encore une fois, rien de surprenant à cela. Les cours de physiologie auxquels j’ai assisté, si élémentaires qu’ils fussent, n’ont pas été compris, pas même entendus, le plus souvent. A peine le professeur ouvrait-il la bouche que déjà la plupart des infirmières dormaient, invinciblement prises par le sommeil après leur fatigante journée. Et les chargés de cours ne songent pas à s’en plaindre. Ainsi que le disait l’autre soir l’un d’entre eux, ils préfèrent le silence de l’auditeur endormi aux rires et aux interruptions des autres. Je dois ajouter, d’ailleurs, que leur patience est mise à rude épreuve. C’est parfois dans cette chapelle, jadis asile recueilli, un véritable « chahut, » qui a déjà provoqué l’exclamation impatientée d’un professeur : « Si quelqu’un veut faire le cours à ma place, qu’il monte sur l’estrade ! « 


Janvier 1903. — Le cycle se déroule, plusieurs compositions ont déjà été faites. J’ai constaté avec un certain étonnement que, malgré les menaces de pure forme adressées aux élèves, il est reçu, il est presque normal de copier, même parmi les élèves libres. Quelques-unes, informées sans doute par avance du sujet choisi, apportent leur rédaction toute prête et la transcrivent, en se dissimulant un peu, sur la feuille réglementaire. D’ailleurs, la majorité se contente d’un à peu près : l’important est d’obtenir le diplôme, et peu concourent pour les prix de lin d’année, ou du moins peu en conviennent. Le dernier exercice a été bon, paraît-il : quatre-vingts diplômes ont été accordés à l’Ecole de la Pitié, c’est-à-dire que la moitié environ des élèves a réussi. La plupart des refusées sont des infirmières, qui recommencent cette année-ci leurs compositions. Pour quelques-unes, c’est