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à les obtenir, ce qui, comme le fait remarquer Béhal, a été pour la théorie atomique, en général, et la théorie de la valence, en particulier, une pierre de touche sérieuse. Mais, aussi, il est arrivé un jour que le nombre d’isomères connus a dépassé le nombre d’isomères calculés, en ce sens qu’à ces derniers s’en ajoutaient d’autre, chimiquement analogues, mais qui en différaient par leurs propriétés optiques, c’est-à-dire par leur action sur la lumière polarisée.

Que conclure de ce dernier fait ? Évidemment : que les formules de constitution jusqu’alors employées, et qui étaient développées dans un plan, ne donnaient pas une idée suffisamment exacte de la molécule, et qu’en dehors des isomères qui dépendent seulement de la façon dont sont reliés ses groupes et ses sous-groupes d’atomes, il en existe d’autres qui dépendent essentiellement de sa forme, ce qui n’a rien qui puisse étonner ceux qui savent que l’action d’un corps sur la lumière polarisée est intimement liée à la forme de sa molécule. C’est ainsi que, dans ces dernières années, Van’t Hoff et Lebel ont été amenés à aborder avec succès le difficile et intéressant problème de la position absolue des atomes dans l’espace, au moins pour les corps de la chimie organique, et ont été conduits de la sorte à l’emploi de formules développées dans l’espace. La résolution de ce problème suppose que les atomes d’une molécule sont toujours, dans l’espace, les uns par rapport aux autres, dans des positions rigoureusement fixes, — ce qui, dans quelques cas exceptionnels, peut ne pas être vrai, comme nous l’avons vu plus haut à propos de la tautomérie. — Mais enfin, cela admis, Van’t Hoff et Lebel, par des considérations purement chimiques, fondées sur l’isomérie, ont démontré presque mathématiquement que la forme d’une molécule comme celle du méthane, c’est-à-dire la forme de l’édifice créé autour d’un seul atome de carbone, ne peut être qu’un tétraèdre régulier dont l’atome de carbone occupe le centre et les quatre atomes d’hydrogène les sommets, les formes moléculaires les plus compliquées pouvant, en général, se ramener à des assemblages de tétraèdres.

Or, pour le méthane et ses dérivés, on arrive encore, par des considérations purement optiques, à cette structure tétraédrique de la molécule et, avec les nouvelles formules de constitution, on peut reconnaître, à première vue, si un corps possède ou non le pouvoir rotatoire, tandis qu’autrefois l’expérience seule