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se trouve, ce qui ne laisse pas d’embarrasser le chimiste, comme on le verra plus loin. En tout cas, ces phénomènes de tautomérie, comme on les appelle, entraînent fatalement l’esprit à admettre, pour la molécule, une sorte de vie, d’instinct si l’on veut, d’un ordre sans doute très inférieur. Après tout, pourquoi pas ? Les physiciens admettent bien, aujourd’hui, le principe de moindre action, c’est-à-dire qu’une molécule matérielle, assujettie à se mouvoir sur une surface, prend d’elle-même, pour se rendre d’un point à un autre, le chemin le plus court, comme un être animé et libre !

On l’a dit depuis longtemps : toute molécule est un véritable organisme, et les groupes d’atomes qui la composent, — groupes qui, comme on vient de le voir à propos de l’eau et de la potasse caustique, peuvent n’être formés que d’un seul et unique atome — , jouent, ainsi que l’ont prouvé les travaux des Dumas, des Ghérardt, des Laurent, etc., le rôle de véritables organes. De même que la denture d’un animal nous révèle s’il est Carnivore ou frugivore, de même la présence, dans une molécule, de certains groupes ou sous-groupes d’atomes, nous permet de prévoir ses réactions : tel groupe caractérise un alcool, tel autre un phénol, un acide, etc., et lorsqu’une molécule contient, à la fois, tel et tel de ces groupemens fonctionnels, on peut prévoir qu’elle sera, à la fois, alcool et phénol, alcool et acide, etc.

Examinons maintenant comment on a pu arriver à se rendre compte des conditions qui assurent la stabilité de cet édifice que l’on appelle une molécule et, par suite, lui permettent d’exister à l’état libre. On constate, en chimie, que des atomes de nature différente se combinent, les uns avec 1, les autres avec 2, ou 3 ou 4, etc., atomes d’hydrogène. Considérons la faculté de se combiner avec un atome d’hydrogène comme une valeur de combinaison et appelons valence d’un atome sa capacité de combinaison rapportée à l’hydrogène : on arrive alors à classer les atomes en atomes monovalens, bivalens, trivalens, etc. Examinons alors attentivement la nature des atomes juxtaposés dans une molécule : nous constaterons que, dans toute molécule, quelle qu’elle soit, les valences des atomes sont toujours satisfaites, car, identiques ou non, ils sont toujours reliés invariablement par l’échange réciproque des valences qui leur correspondent. Ainsi, dans la molécule d’hydrogène, formée de deux atomes monovalens, l’équilibre est assuré par l’échange réciproque, entre ces