Dans ces grandes maisons, ce sont les étrangers qui dominent : 5 000 Français seulement contre 6 500 Anglais, 5 000 Américains du Nord, 1 140 Allemands, 603 Russes, 400 Espagnols et Portugais, 300 Autrichiens, 250 Hollandais, 200 Italiens, une centaine de Suisses et autant d’Américains du Sud. Cette proportion des nationalités varie, d’une année à l’autre, sous diverses influences : Brésiliens, Argentins, Péruviens, nous viennent plus volontiers quand le change leur est moins défavorable. Lors de la discussion du bill Mac-Kinley, des milliers de négocians ou courtiers des Etats-Unis vinrent passer chez nous des marchés à condition, pour profiter, en cas d’adoption des tarifs protectionnistes, du court intervalle qui s’écoulerait avant leur mise en vigueur. La guerre du Transvaal fit baisser de moitié l’effectif des visiteurs anglais ; de là des fluctuations importantes de bénéfices.
Ces entreprises trouvaient dans les Expositions universelles, une manne périodique. Les deux dernières fournirent au Grand-Hôtel un profit de 1 500 000 francs, tandis que le rendement des exercices ordinaires oscillait entre 800 000 et 400 000 francs.
La clientèle ayant des prétentions sans cesse croissantes, le maintien de ces auberges monumentales n’est pas chose aisée. Pour s’être endormie sur sa vogue primitive, telle ancienne maison s’est vue peu à peu démodée, abandonnée, contrainte à disparaître. Tel établissement grandiose, après avoir négligé de se tenir au courant du progrès, a dû faire d’un seul coup deux millions et demi de travaux pour se remettre au niveau. Aussi rien n’est-il plus aléatoire qu’un bilan d’hôtel ; il faut, pour l’apprécier, connaître l’état du mobilier et des approvisionnemens. Les mêmes vins en cave, portés pour une valeur de 1 100 000 francs, se trouvent réduits l’année suivante à 400 000 francs après une estimation plus sévère.
Plusieurs grandes hôtelleries ne sont pas la propriété de la société qui les exploite. Celle-ci, simple locataire, est alors exclusivement commerciale : son loyer absorbe le quart, le tiers parfois, de son chiffre d’affaires ; une fois son loyer payé, ses gains rémunèrent plus largement le groupe restreint des actionnaires qui assument tous les risques. Mais, avec ce système, les exploitans,