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représentans des Puissances et tous les commandans des détachemens des Légations, en prévision d’un siège. Le ministre de France s’y était rendu le dernier, le 20 juin, à neuf heures du soir, accompagné du ministre d’Espagne, de Mme Pichon et de Mme de Rosthorn, femme du chargé d’affaires d’Autriche-Hongrie[1]. Leur place était là, en effet, où ils pouvaient délibérer, le cas échéant, et agir encore en représentans des Puissances, plutôt que, dispersés sur différens points, aux avancées, dans une tranchée, le fusil à la main, recevant les ordres d’un capitaine ou d’un lieutenant, et au milieu des soldats dont ils auraient pu gêner la défense[2]. A la Légation d’Angleterre, au reste, le danger était le même que dans les autres Légations, et l’on s’y trouvait aussi à un poste d’honneur. Les bâtimens y sont moins éprouvés, il est vrai, qu’aux Légations d’Autriche, d’Italie et de France, mais, partout, on n’observe que traces d’obus et de balles. Les portes extérieures sont doublées par des tambours en briques ; toutes les ouvertures des bâtimens sont, sur la plus grande partie de leur hauteur, fermées par des matériaux de toute sorte, notamment, par des sacs à terre. Pour la confection de ces derniers, tout a été mis à contribution : couvertures, draps de lit, coussins en toile et en soie, effets d’hommes et de femmes ; il en est même qui sont faits avec des robes de soie ! C’est le triomphe de la « barbette, » s’écrie un officier, enthousiasmé à la vue de ces défenses improvisées et, de fait, il faut reconnaître que les pionniers qui ont présidé à leur organisation, et dont quelques-uns ont échangé la plume qu’ils tenaient, la veille, pour la pelle, la pioche et le fusil, ne le cèdent en rien à bien des techniciens qui ont pâli sur les savans traités de fortification et sur l’étude des défenses accessoires !

  1. Ce ne fut que quelques jours plus tard que Mme de Rosthorn, à la suite d’incidens d’ordre privé survenus entre M. de Rosthorn et un membre de la Légation d’Angleterre, quitta cette Légation. Après avoir résidé pendant quelques jours dans un Pavillon de la Légation de France, resté encore debout, et où ils se trouvèrent juste au moment d’une des plus rudes attaques dirigées contre cette Légation, M. et Mme de Rosthorn se rendirent à la Légation d’Allemagne, qui ne comptait aucun représentant accrédité du chef de cet État, par suite de l’assassinat du baron Retteler, mais seulement deux secrétaires, MM. de Below et de Bergen.
  2. Les Ministres qui avaient remis la défense de leur Légation au commandant de leur détachement prenaient le soin, le Ministre de France le premier, de visiter presque chaque jour leur Légation, autant pour encourager les défenseurs que pour connaître leurs besoins, afin de demander, au cours de leurs réunions en conseil, les moyens d’y faire droit.