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d’hommes, couchés de chaque côté de la route, à proximité d’une petite agglomération de maisons constituant le hameau de Kao-Pei-Tien et occupées par d’autres groupes. Point de dispositif de sûreté bien compliqué : deux sentinelles gardent les issues, et une vedette est postée à deux cents mètres, dans la direction de Pékin ; c’est le bivouac du corps expéditionnaire américain. Un officier de ce contingent, auquel le général Frey fait demander où est le corps russe, qui, d’après ses renseignemens et les conventions arrêtées, devrait se trouver, à cette place, sur la rive droite du canal, répond qu’aucune troupe internationale n’a encore dépassé ce point, et qu’il pense que les Russes sont bivouaques à la hauteur du contingent américain, sur l’autre rive de ce canal.

La marche de la colonne est continuée pendant encore quelques centaines de mètres, pour dégager les abords du bivouac. Arrivée à hauteur d’un petit groupe de maisons que les éclaireurs viennent de signaler comme étant inoccupées, la colonne est arrêtée et disposée en formation préparatoire de combat, à cheval sur la route, la droite au canal. Le doute n’est plus possible ; une erreur, probablement une confusion de mots dans la dénomination des rives — rive droite au lieu de rive nord — ou une erreur d’interprète, a dû être faite au sujet des renseignemens donnés par l’état-major russe, renseignemens que ne put contrôler un officier envoyé la veille, pour cet objet, par le général, à l’état-major japonais, par suite du départ inopiné de ce contingent.

Il importait de parer au plus tôt aux conséquences que pouvait entraîner cette erreur de direction. Deux solutions se présentaient : 1° Faire rétrograder la colonne pour la porter, en repassant par le pont de Palikao, sur la rive nord. Le résultat eût été une grande perte de temps, et un supplément de fatigues pour la troupe ; 2° Faire franchir le canal à la colonne, par un moyen quelconque, à proximité du point où elle était arrêtée. Le général n’hésita point à choisir cette dernière solution, d’autant plus que, l’attaque générale par les Alliés contre la capitale chinoise n’étant prévue que pour le cours de la nuit suivante, si ce n’est même pour la matinée du lendemain, 15 août, la colonne disposait de toute la journée pour effectuer ce passage et rallier le bivouac russe. La carte, à grands points, du Pé-tchi-li, la seule que possédait l’état-major, malgré toutes les démarches et les