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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 décembre.


L’Autriche-Hongrie vient de traverser une de ces crises qui, par leur violence et leur durée, dépassent tout ce qu’on voit ailleurs, et auxquelles il est probable que la constitution d’un autre pays, quel qu’il fût, ne pourrait pas résister. Mais l’Autriche-Hongrie se tire toujours d’affaire. Du moins elle l’a fait jusqu’ici, et, cette fois encore, il semble bien qu’elle soit arrivée au calme après la tempête. La question est de savoir si ce calme, qui est tout relatif, se maintiendra longtemps, et c’est ce dont personne ne peut répondre. À force d’être violentés et brutalisés, les ressorts de la constitution dualiste se détendent de plus en plus : le jour viendra immanquablement où ils seront brisés. Ce régime fonctionne en Autriche-Hongrie depuis trente-six ans. On n’a jamais cru qu’il y durerait indéfiniment, car tout passe et change dans le monde, et nous vivons à une époque où l’impatience des peuples donne à l’évolution politique une marche de plus en plus accélérée. Toutefois ce n’est pas sans quelque surprise qu’on voit cette impatience se manifester surtout en Hongrie. C’est la Hongrie, en effet, qui a tiré le plus d’avantages du pacte de 1867. Parmi les grands hommes politiques et surtout les grands citoyens du siècle dernier, il n’y en a pas qui, en Europe, aient accompli une œuvre plus utile à leur pays que François Deák. Le résultat du dualisme qu’il a fait accepter par l’Autriche, après ses désastres de 1866, a été de mettre les forces de celle-ci à la disposition de la Hongrie, et de faire d’un petit pays le directeur politique d’un puissant empire. Le ménage austro-hongrois a été troublé par des dissentimens presque continuels, et, comme il arrive souvent en pareil cas, celui des deux conjoints qui a montré le plus mauvais caractère a presque