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la séance du 12 novembre : nous relevons cette date, parce qu’elle mérite d’être retenue dans nos annales parlementaires comme une de celles où ont été prononcées les paroles et annoncés les projets les plus inquiétans, — le tout pour refaire le « bloc » et sauver un cabinet : c’est à ce double but qu’on sacrifie les intérêts vitaux du pays. Le croirait-on ? M. le président du Conseil n’a ni combattu, ni écarté l’amendement de M. Girard : loin de là ! il a déclaré qu’il en acceptait les « deux idées maîtresses, » qui étaient l’interdiction du droit d’enseigner prononcée contre les prêtres réguliers, et la même interdiction contre les séculiers. La rédaction seule de l’amendement lui a inspiré quelques scrupules ; il ne l’a pas trouvée juridique. Entre M. Girard et lui, il ne s’agit donc pas d’une question de fond, mais d’une question de forme. Après cela, on devait s’attendre à tout. Voici ce que M. le président du Conseil a apporté.

Il a distribué ses vues d’avenir en trois projets. Le premier consiste à donner une sanction pénale aux rapports défavorables qui seraient faits contre les écoles libres par les inspecteurs chargés de contrôler leur enseignement au point de vue du respect de la constitution, de la morale ou des lois. La peine de mort, c’est-à-dire la fermeture de l’école, est la seule qu’il ait envisagée : elle sera prononcée par le gouvernement, après avis du Conseil académique et du Conseil supérieur de l’instruction publique. Quelque menaçantes que soient ces dispositions dans la forme où elles ont été présentées, nous ne nous y arrêterons pas davantage : d’abord parce qu’il faut bien reconnaître en principe la légitimité d’une sanction, dans le cas où il y aurait réellement infraction à la loi ; et ensuite parce que des préoccupations beaucoup plus graves encore s’imposent à notre esprit. La suite de la déclaration ministérielle nous emporte, en effet, très loin de la loi Chaumié. Ce n’est plus d’elle qu’il s’agit, mais bien du retrait de l’autorisation accordée à toutes les congrégations enseignantes sans en excepter aucune, et enfin de la prochaine dénonciation du Concordat. M. Combes promet tout cela à l’extrême gauche pour reconquérir ses bonnes grâces. En vérité, il nous fera regretter l’amendement Girard, qui était peut-être plus choquant dans son principe, mais à coup sûr moins malfaisant dans ses effets.

Ainsi toutes les congrégations enseignantes devront disparaître, et non seulement dans l’enseignement secondaire, mais encore dans l’enseignement primaire et dans l’enseignement supérieur. La loi du 1er janvier 1901 avait eu pour objet, — M. Waldeck-Rousseau l’avait du moins assuré, — de consacrer la situation des congrégations