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mais qui ne faisaient pas compensation à ses yeux. Il n’a que faire des voix du centre, il ne les a pas sollicitées, il n’en veut pas, et nous avons quelque peine à comprendre pourquoi le centre a tenu à les lui donner, ou à les lui infliger. Était-ce pour le compromettre davantage auprès de ses amis ? Était-ce pour l’obliger à pencher de leur côté ? Ils n’ont pas réussi sur le premier point : les socialistes ont bientôt pardonné à M. Combes et le lui ont prouvé en votant les fonds secrets de son ministère. Ils réussiront encore moins sur le second. Leur vote, quelle qu’en fût l’intention, aurait eu besoin d’être expliqué, et ne l’a pas été.

Au reste, l’incident n’a pas grande importance. Ce qui en a davantage, c’est l’indépendance que, ne fut-ce que pendant quelques heures, l’extrême gauche a manifestée. Eh quoi ! avait-elle oublié tant de services rendus ? Ne pouvait-elle pas, ne devait-elle pas faire à M. Combes crédit de sa confiance dans un moment incommode à traverser ? Ne savait-elle pas que les partis vivent de discipline, et qu’ils en ont d’autant plus besoin qu’ils sont composés d’élémens plus divers ? Devant l’ingratitude et l’inconsistance de ses amis, M. le président du Conseil s’est senti un moment découragé ; c’est alors qu’il a parlé de sa démission ; il en parle encore, dit-on, et cette menace est assurément de nature à produire son effet, car, si le ministère croit avoir besoin du « bloc, » celui-ci a encore plus besoin du ministère. On peut concevoir M. Combes sans « le bloc, » mais non pas « le bloc » sans M. Combes. Aussi faut-il voir les efforts désespérés que font les socialistes de gouvernement, comme M. Jaurès, pour recommander et imposer à ses amis les sacrifices nécessaires au maintien du cabinet, avec une ardeur de rabattage que n’ont jamais eue à ce degré les fidèles de M. Guizot, ni les mamelouks de M. Rouher. Mais la force des choses l’emportera, et, dès maintenant, le « bloc » n’est déjà plus ce qu’il a été pendant les quinze derniers mois. La raison en est si simple qu’à peine est-il besoin de l’énoncer. Il a été facile de maintenir l’union entre les membres disparates de la majorité pour l’application violente et brutale de la loi contre les congrégations : la même passion était chez les uns et chez les autres. Aussi longtemps que durerait cette œuvre de colère et de haine, le lien de la majorité devait subsister : mais, si elle n’est pas finie, il ne s’en faut plus de beaucoup. M. Combes a fait une nouvelle promesse à sa majorité, telle de retirer l’autorisation aux congrégations enseignantes qui l’ont obtenue, et il lui a fait, par surcroit, entrevoir comme prochaine la dénonciation du Concordat. Avec cela, il peut vivoter quelque temps