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homme qui parle de sujets qu’il ne connaît pas. Et d’ailleurs Armanni nous affirme expressément que, jusqu’à sa dernière heure, le prétendu James Stuart est resté sain d’esprit. Tout au plus a-t-il pu finir par croire lui-même à son mensonge, après l’avoir obstinément soutenu pendant de longs mois : ce qui expliquerait, en effet, le ton d’assurance extraordinaire qui se maintient à travers les absurdités de son testament.

Ainsi, l’hypothèse de l’identité du prisonnier de Naples avec James de la Cloche a contre elle une objection décisive : tandis que, des diverses objections qui s’élèvent contre l’hypothèse opposée, pas une ne me parait vraiment irréfutable. Qu’un novice fraîchement échappé de son collège conserve d’abord quelque chose des sentimens religieux où il a été élevé, tout en exploitant dès lors à son profit un secret dérobé à un camarade ; et que, plus tard, au moment de mourir, il éprouve de nouveau le besoin de se confesser tout en persistant dans son imposture : c’est là un phénomène moral assez peu édifiant, sans doute, mais qui n’a rien de trop contraire à la vraisemblance. Que l’imposteur ait eu en sa possession une certaine somme d’argent, — 150 doubles, au lieu des 800 doubles vancés par Oliva à James de la Cloche ; — qu’il ait eu en sa possession des bijoux, voire des papiers où il était traité d’Altesse Royale : cela aussi peut en somme s’expliquer. Les papiers qu’il avait sur lui ne devaient pas être, en tout cas, les lettres de Charles II à James de la Cloche, ni l’attestation de la reine Christine, puisque ces pièces se trouvent conservées, aujourd’hui encore, aux archives du Gesù. M. Lang suppose bien, à la vérité, qu’elles ont pu être renvoyées à Rome par le vice-roi de Naples : mais comment admettre que celui-ci, dont nous savons qu’il a écrit à Londres, ne les ait pas plutôt renvoyées à Charles II ? Et que le prisonnier ait été relâché, au reçu des renseignemens demandés sur lui, pourquoi ne pas imaginer, par exemple, que Charles II ait obtenu pour lui cette grâce, sur la prière même de son fils, ou bien pour tel motif d’ordre politique ? Rien de tout cela n’est proprement convaincant, comme l’est, d’autre part, la monstrueuse absurdité du testament que j’ai dit. Enfin une considération des plus importantes, sur laquelle M. Andrew Lang passe bien légèrement, achève de nous rendre improbable l’hypothèse suivant laquelle James de la Cloche aurait « mal tourné. » On a vu que Charles II, dans sa lettre à Oliva du 18 novembre 1668, promettait non seulement de restituer à la Compagnie de Jésus les 800 doubles avancés à son fils, mais aussi d’envoyer, l’année suivante, une grosse somme d’argent