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un mélange de surprise et de déférence l’édifiante perfection morale, a-t-il fini sa vie saintement, comme il l’avait commencée ? A-t-il demandé à son père, pour toute faveur et pour toute récompense, au retour de l’importante mission dont il s’était chargé, de pouvoir aller s’enterrer obscurément dans quelque monastère, où personne, jusqu’au bout, n’aura même soupçonné sa royale origine ? Ou bien le malheureux garçon, en vrai fils de son père, après d’aussi beaux débuts, a-t-il tout à coup mal tourné ? Les yeux noirs d’une paysanne napolitaine ont-ils eu sur lui assez d’empire pour l’empêcher même de remplir sa mission, une mission dont le résultat devait être de ramener à la foi de l’Église son père et, peut-être, tout un grand royaume ? Et est-ce lui qui est mort misérablement dans une auberge de Naples, renié par son père, discrédité, et si dénué de ressources que, en même temps qu’il réclamait pour son fils à naître « la principauté de Galles », il priait le père de sa femme de pourvoir aux frais de son enterrement ?

Mais je crains que l’intérêt psychologique de cette seconde hypothèse n’ait conduit M. Lang à s’en exagérer la vraisemblance historique. Pour curieux et remarquables que soient les renseignemens qui nous viennent, sur le prétendu James Stuart, d’Armanni et de Kent, le seul document direct que nous ayons de lui n’en reste pas moins le testament conservé aux archives de Londres : et ce testament, — M. Lang le reconnaît lui-même, — est absolument inexplicable de la part du vrai fils de Charles II, tandis qu’il s’explique fort bien de la part d’un ancien ami de James de la Cloche qui aurait retenu quelques bribes de ses confidences. Dans sa lettre du 3 août 1668, Charles parlait à James de la Cloche de son plus jeune fils, le duc de Monmouth : comment supposer que James l’ait oublié, qu’il ait tout ignoré d’une cour où, deux fois précédemment, il avait séjourné ? Dira-t-on, comme M. Lang le laisse entendre, que le testament n’a pas été rédigé par le mourant lui-même, mais, après sa mort, par quelqu’un de son entourage ? Mais, à ce compte, plus suspectes encore nous seraient les révélations de son confesseur, telles que nous les a transmises Armanni : sans compter qu’il y a, dans ce testament, des termes comme le nom français de « Juvigny » dont on se demande comment ils auraient pu se présenter à la pensée d’un aubergiste napolitain. Dira-t-on, — c’est encore une supposition de M. Andrew Lang, — que James de la Cloche était devenu fou au moment où il avait rédigé ses dernières volontés ? Mais son testament n’est nullement d’un fou : les extravagances dont il fourmille ne sont toutes que des erreurs, le fait d’un