Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/418

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trop menacé lui-même pour s’entremettre utilement en faveur d’un autre. Tenter de délivrer le maréchal eût été sans doute consommer sa perte en attirant l’attention sur lui. Mieux valait le laisser en tête à tête avec un gardien qui, grassement payé, était intéressé à voir se prolonger son existence et, par conséquent, à le faire oublier.

L’arrestation d’un ci-devant maréchal de France chez la mère d’un conventionnel considéré jusque-là comme un des plus fermes soutiens de la République n’en constituait pas moins une menace terrible, non seulement pour lui-même, mais aussi pour tout ce qui lui était cher : les dames de Bellegarde, dont les relations avec lui n’étaient plus un mystère pour personne ; et les nobles habitantes de la maison de Livry, toujours exposées à une dénonciation et qui avaient encouru la rigueur des lois en cachant sous leur toit un prêtre et une chapelle où, tous les jours, il célébrait la messe en leur présence.

C’est avec le sentiment de ces périls redoutables que, le 29 décembre, Hérault de Séchelles parut à la tribune de la Convention et répondit aux attaques dont, en son absence, il avait été l’objet. Après avoir tracé un tableau sommaire de sa mission dans le Haut-Rhin, il continua : « Comme j’ai eu l’honneur d’être calomnié pour avoir sévèrement rempli mon devoir et comme je rapporte avec moi des preuves décisives, il est essentiel que ma conduite soit mise au plus grand jour. Je le demande avec instance. Soit que j’en rende compte au Comité de Salut public, soit que je publie ce compte par la voie de l’impression, si vous le préférez, on verra qui de mes dénonciateurs ou de moi a le mieux servi la République. »

Il se défendit ensuite d’avoir connu intimement Pereyra et Dubuisson ; il ne les avait vus que quatre ou cinq fois. Ses relations avec Proly avaient été plus fréquentes. Mais Proly n’était-il pas l’ami des plus excellens patriotes ? « Il n’a jamais proféré en ma présence une seule parole qui m’ait mis à portée de le dénoncer, comme je n’y aurais pas manqué, si j’eusse découvert qu’il fût en contradiction avec les intérêts de la liberté et de la République. » D’ailleurs, lui-même n’avait-il pas été absent pendant huit mois, tantôt en Savoie, tantôt dans le Haut-Rhin, et de ce fait ne résultait-il pas que sa prétendue intimité avec Proly n’avait pu durer ? Il n’avait eu qu’un ami, affirmait-il, et c’était Lepelletier de Saint-Fargeau, son camarade d’enfance, dont il