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circonstances. Nous connaissons des races plus « guerrières, » et des races plus « artistes » que d’autres : il y en a eu pareillement de plus « religieuses. » Quelques hommes, plus éminens que d’autres, Isaïe, Çakya-Mouni, Socrate, Jésus, Mahomet, ont exercé plus d’action sur leurs semblables, à une plus grande profondeur, et, par conséquent, une action plus durable. Et des temps enfin se sont vus dans l’histoire, — temps malheureux, en général, temps de détresse et de souffrance, — où l’humanité a senti, plus étroitement qu’en d’autres, sa dépendance à l’égard de Dieu. Ce sont toutes ces circonstances qui ont en quelque manière façonné les « religions. » Toutes imparfaites, mais diversement et plus ou moins imparfaites, les « religions » ne sont et ne peuvent être que des « approximations » de la vérité.

Mais pourquoi donc, s’il en est ainsi, n’essaierions-nous pas de les réduire en quelque sorte au même dénominateur ? Facies non omnibus una, Nec diversa tamen… Si l’objet est le même, pourquoi n’y tendraient-elles pas toutes, et nous avec elles, par le même chemin ? Puisque la vérité qu’elles cherchent est de telle nature qu’aucune formule, aucun dogme, aucun symbole, aucune « confession de foi » ne saurait l’exprimer, et, pour ainsi dire, l’enclore ni la contenir tout entière, pourquoi ne renoncerions-nous pas, précisément, à la « formuler ? » Plus de « formules, » puisque ce sont les « formules » qui s’opposent, qui se contredisent, et qui se combattent ! Toutes les discordes ne sont venues que d’avoir essayé d’emprisonner Dieu dans un Credo. N’ayons donc plus de Credo ! Fondons « la religion de l’Esprit » sur les ruines des « religions d’autorité, » la vraie religion sur l’élargissement de Dieu. Et si les religions positives s’étonnent ou s’indignent d’être ainsi traitées, contentons-nous de leur faire observer que, cette manière étant la seule pour elles de se « réconcilier » avec la science, la critique et l’histoire, elle est donc la seule qu’elles aient de durer en se continuant, et de se développer en marchant avec « le progrès. »

Car c’est une autre raison que l’on se donne de perpétuer l’équivoque ; et si quelqu’un demande comment les « religions d’autorité, » ainsi dépouillées de tout ce qui les constituait, sont encore des ou une « religion, » la réponse est bien simple ; et on nous dit qu’elles ont « évolué. »

Certes, ce n’est pas nous, ici, qui nierons la réalité du devenir ou de l’évolution dans l’histoire. Nous savons que les mots