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Pour que ce double objet soit rempli, il ne suffit pas de proclamer l’indépendance ou l’intégrité du Danemark. La conférence de Londres de 1852 avait solennellement garanti cette intégrité, mais la guerre de 1863 a néanmoins dépouillé le Danemark des duchés de Sleswig et Holstein. Le seul moyen efficace et pratique, c’est la proclamation de la neutralité perpétuelle du Danemark, chargé perpétuellement aussi du rôle de gardien des détroits de la mer Baltique. La neutralisation du Danemark doit d’ailleurs nécessairement s’étendre sur le Sund et les Belts. La mer Baltique étant une mer absolument libre et accessible à tous les pavillons de commerce ou de guerre, les opérations militaires des flottes des puissances belligérantes ne sauraient être interdites dans ses eaux, sauf des stipulations contraires prises ad hoc. Toutefois, si la neutralisation du Danemark était proclamée, si l’intégrité absolue de son territoire était reconnue comme un principe de droit international, il est évident que le Sund et les Belts avec leurs rivages devraient également profiter de cette neutralisation. Et de même qu’aucune hostilité, aucune opération de guerre ne saurait avoir lieu dans le canal de Suez, de même aucune action militaire de la part des puissances belligérantes ne saurait être permise dans le Sund neutralisé. En d’autres termes : proclamer la neutralisation du Danemark équivaut à reconnaître son indépendance et son intégrité perpétuelles comme maxime d’État pour lui-même et comme principe de droit international pour la communauté des nations civilisées. De plus, cette neutralisation garantirait pour toujours la liberté et la sécurité de la navigation dans la mer Baltique. Telles seraient les conséquences immédiates de cette mesure. Il reste à dire comment ce but élevé pourrait être atteint sans provoquer les moindres conflits et sans froisser les plus soupçonneuses susceptibilités.


III

Jusqu’à présent, la neutralisation des petits États a été généralement un privilège créé au profit de ceux-ci par la bonne volonté des grandes puissances. La neutralité perpétuelle de la Suisse, de la Belgique et du Luxembourg est garantie par des conventions internationales, signées librement par les grands États, qui ont voulu prendre sur eux la garantie de cette