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intérêts dans ces parages. C’est pourquoi la nécessité de faire respecter ces intérêts a depuis longtemps suggéré l’idée de garantir le gardien du Sund et, par lui, la navigation libre de la mer Baltique contre toutes les convoitises égoïstes des grands États de l’Europe. Et c’est ainsi que, dans le traité de Roeskild de 1658, le Danemark et la Suède s’engageaient mutuellement à ne pas permettre l’entrée dans la mer Baltique des navires de guerre des autres nations. En 1759 et 1700, le Danemark, la Suède et la Russie tombaient d’accord pour refuser l’entrée de cette mer aux flottes militaires des États non riverains. Enfin, la convention de 1780, conclue entre la Russie, le Danemark et la Suède pour la défense des principes de la neutralité année, a proclamé la mer Baltique comme Mare clausum et non ouverte aux navires de guerre des puissances belligérantes. Cette stipulation tirait alors son fondement de ce fait que les États riverains de la mer Baltique ne prenaient aucune part aux opérations militaires et, en conséquence, devaient être reconnus comme essentiellement neutres.

Il est intéressant de constater que l’Angleterre, la France et les Pays-Bas acceptèrent, en 1781, ce principe de la neutralisation de la mer Baltique. Mais, d’autre part, il était évident que ce principe n’était proclamé que pour la durée de la guerre qui se termina par le traité de paix de Versailles, en 1783. La Grande-Bretagne tenait à ce qu’il ne pût s’élever à cet égard le moindre doute ; et la flotte anglaise le prouva bien lorsqu’en 1807, elle bombarda et détruisit une partie de la ville de Copenhague. L’empereur Alexandre 1er, ainsi que presque tous les autres souverains européens de cette époque, fut justement indigné de l’attaque commise contre la capitale danoise. Il protesta énergiquement contre ce « crime, » en qualité « d’un des garans de la tranquillité de la mer Baltique, qui est une mer fermée. » Mais le gouvernement anglais rétorqua avec vigueur cette prétention en déclarant qu’il n’avait jamais reconnu la neutralisation permanente de la mer Baltique ; et il est incontestable que sa thèse était légitime et bien fondée. Tous ces faits historiques n’en démontrent pas moins d’une manière concluante que l’idée de la neutralisation des États Baltiques et de la mer Baltique a occupé l’esprit ou l’imagination des hommes d’État.

De plus, si l’on veut bien se souvenir que déjà, aux siècles