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et j’y ai entendu l’autre jour de belles pages de M. De Chateaubriand sur Fontanes pour notre édition : il y a sur moi deux lignes qui me lient désormais à l’adroit Chateaubriand d’un nœud de soie et d’un carcan d’or[1]. — Mais je suis habitué, Madame, à vivre et à me mouvoir comme je puis dans les fers.

« Port-Royal s’imprime, comme vos examens vont, à pas de tortue. Je tombe à l’aspect du bon à tirer dans des scrupules infinis. Je veux tout vérifier, tout reconsulter, tout annoter. Je pratique (en littérature) la morale de nos gens.

« Adieu, mes bons amis, baisers à Billon et Billou. Simples complimens à ces demoiselles.

« Respects et hommages autour de vous, à Mme Ruchet, à Mlle Sylvie. Je voudrais bien entendre M. Ruchet sur la question suisse pour avoir quelque chose à répondre à nos diplomates de la Revue : offrez-lui mes amitiés et au bon M. Lèbre.

« Adieu, Madame et amie, ne soyez donc pas triste et laissez ces pressentimens sur des incendies qui s’éteignent toujours. »


23 octobre 1838.

« Je vous réponds tout de suite, cher Olivier ; mais j’envoie pour plus de sûreté ma lettre à Lausanne. Enfin la phrase est faite, comme vous le dites ; mais pourquoi Mme Olivier ne m’a-t-elle pas écrit, ne fût-ce que deux mots, et pourquoi ne me dites-vous rien d’elle ? Ce n’est pas bien à elle de me traiter presque comme un ennemi. Je prends une bien vive part à cette mort du bon M. Manuel[2] ; nous avons eu ici celle de Mme de M…, qui n’a pas été moins triste humainement et moins sainte. Comment est M. Vinet lui-même ? Il ne manquerait plus que lui à ce grand coup d’aile de la mort. Au reste qu’est-ce cela ? Six mois ou six ans… nous les suivrons tous tout à l’heure.

« Vous aurez vu, si vous lisez les journaux, le tapage de tous ces honneurs redoublés infligés à la Revue des Deux Mondes, et la lettre solennelle de Lerminier à Buloz qui a défrayé l’opposition pendant huit jours. Buloz paraît bien décidé à garder la Revue et à nous tenir tous à bord : tant mieux. Il y aura toujours place pour Davel : faites donc cela une bonne fois en vue

  1. Retenir cette phrase : le nœud de soie et le carcan d’or ne devaient pas résister à la mort de Chateaubriand.
  2. Voir au tome IX des Nouveaux Lundis, p. 66 et suivantes, et dans l’article sur M. Émile Deschanel, un très intéressant passage consacré à M. Manuel.