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« Pour vous expliquer plus encore le choix extrême de Naples, je vous dirai que j’y ai un ami banquier qui m’aplanira avec le plus grand plaisir toutes les petites difficultés d’un frais débarqué, et me renseignera surtout sans m’obliger à plus que je ne voudrai. Pardon, chers amis, de tous ces détails qui me touchent, mais que je vous devais par cette raison même. Mon ami Marinier part dans trois semaines pour un nouveau voyage du Nord, pour les îles Féroë et la Laponie encore. Que ces incertitudes de l’Académie sont pitoyables et quelles pétaudières vraiment sont les démocraties ! on ne sait à qui s’en prendre. J’ai appris avec grand plaisir la nouvelle du mémoire de M. Vinet sur l’Eglise et l’Etat[1] par le Semeur ; mais n’est-ce pas le compte de M. Druey, qui ne voulait pas autre chose ? J’ai passé une soirée chez M. Hollard, il y a eu un mois, avec M. Verny, M. Lutheroth, Mme de Pressensé.

« Me voilà d’aujourd’hui dans les préparatifs les plus hâtés : je recevrai votre prochaine à Naples, poste restante, si vous voulez bien ; j’y répondrai aussitôt, et, lorsque je le ferai, je serai presque déjà en train de revenir vers vous.

« Je n’embrasse pas Lèbre que je rencontrerai peut-être sur le bateau : ce serait une grande joie. J’embrasse Olivier, sérieux et noble dans son attente du sort, mais quelle petitesse encore une fois à tous ces gens ! Je baise les deux petits ; quant au reste des amis, je n’en nommerai aucun de peur d’en glisser un par mégarde qui soit pour quelqu’un des moyens termes et pour les faux-fuyans académiques.

« Adieu, chère Madame et amie, je compte sur bien des affectueuses indulgences, et vous donne à tous mes respects du cœur. »


Ce 21 mai 1839. Naples.

« Je reçois, Madame et chère amie, votre bonne lettre au retour d’une petite expédition à Sorrente, Capri, Ischia, qui m’a pris trois jours ; je suis étonné moi-même de citer ces noms d’original et pour les avoir vérifiés sur les lieux : j’y crois à

  1. Vinet s’était de bonne heure prononcé pour la séparation de l’Église et de l’État, qu’il considérait comme la garantie de la liberté religieuse. Il écrivait dès 1824 : « La protection du gouvernement est un joug pour l’Église. Les relations qu’on a établies entre l’État et la religion, entre la société politique et le royaume des cieux me paraissent, je l’avoue, adultères et funestes. »