Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rendit rien du tout. « Il était bien difficile, ajoute le Mémoire, de fixer, à l’égard des gens d’affaires, commerçans, etc., le dixième des profits qu’ils étaient en état de faire relativement à leurs entreprises, à leurs traités et à leur commerce. On prit le parti de leur faire faire une avance considérable au roi, et, pour y parvenir on créa, par un édit du mois de janvier 1711, 600 000 livres de rente sur l’Hôtel de Ville, et on les obligea de faire les fonds de ces rentes suivant des rôles qui furent arrêtés au Conseil. (C’était l’emprunt forcé, dont la Révolution devait, quatre-vingts ans plus tard, renouveler si tristement l’expérience.) Ceux qui refusèrent de fournir un contingent furent taxés considérablement, et ceux qui souscrivirent, affranchis. L’édit prononça les peines les plus rigoureuses contre ceux qui n’apportaient pas de capitaux au Trésor royal ; on leur interdit les fonctions des offices dont ils étaient pourvus ; on les déclara déchus des intérêts qu’ils pouvaient avoir dans les affaires du roi ; également, pour leurs veuves et leurs héritiers. »

En définitive, après sept années de luttes, de bouleversemens dans tout le royaume, il fallut renoncer à l’impôt du dixième ; une ordonnance du mois d’août 1717 le supprima. Cependant la leçon ne suffit pas. Le 5 juin 1725, il était rétabli sous forme de cinquantième sur le produit brut, afin, pensait-on, d’éviter les difficultés engendrées par les stipulations de la Déclaration de 1710 qui tendaient à faire porter l’impôt sur une sorte de revenu net. Le cinquantième n’étant ni moins arbitraire ni moins inquisitorial que le dixième, les mêmes résultats se produisirent aussitôt. La Bourgogne encore donne le signal. Quelques jours à peine après l’ordonnance, le 7 août, les « gens tenans la Cour de Parlement du Roy à Dijon « envoient à leur « très honoré et souverain Seigneur leurs très humbles et très respectueuses remontrances, » mais très catégoriques et très vives, sur « sa déclaration du 5 juin dernier pour la levée du cinquantième du revenu des biens, » et concluent en montrant « combien de procès, de querelles et de disputes, combien de vexations sous l’auguste nom du Roy ruineront les cultivateurs et, en moins de douze ans, rendront les campagnes désertes et les terres incultes. Il est même à craindre que les gens de la campagne ne regardent leur propre pays comme une terre ingrate et n’aillent en chercher d’autres dans les États voisins. »

Alors commence cette incroyable agitation, cette série