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A elle seule, cette question de la taille, — ou, mieux, de l’impôt sur le revenu, pour l’appeler de son nom contemporain, — tient plus de place dans les affaires publiques, dans les préoccupations des rois et les travaux de leurs ministres, de leurs conseils, que toute autre affaire ou entreprise, quelle qu’elle soit

C’est qu’elle touche à la vie de chacun, chaque jour, sous mille formes. A tout instant, on voit le gouvernement obligé d’envoyer des troupes pour assurer la levée de l’abominable impôt, et souvent les troupes échouent. Ici, en 1657, par exemple, ce sont les paysans de la Sain longe qui battent les soldats du roi, venus pour leur faire payer la taille. L’année suivante, ce sont les sabotiers de la Sologne qui se soulèvent en masse, refusant de rien donner. Et ainsi de toutes parts. Si bien que les arriérés s’entassent, s’accumulent, grossissant d’année en année, et qu’il faut bien, après avoir opprimé, violenté les populations, après avoir pillé, détruit les maisons, enlevé les meubles, saisi les récoltes en nature, emporté les blés ou les vins, se résigner, en fin de compte, à passer par profits et pertes les millions amoncelés mais irrécouvrables, — sauf à recommencer ensuite !

« Cette année, le bas peuple de Rouen se révolta à cause des exactions appelées maltôtes dont il était accablé ; les séditieux, détruisant la maison du collecteur, semèrent par les places les deniers du fisc et assiégèrent dans le chai eau de la ville les maîtres de l’échiquier. Le soulèvement ayant été apaisé par le maire et les plus riches hommes de la ville, la plupart des mutins furent enfermés dans les prisons du roi de France. »

Ce récit de Guillaume de Nangis sur un épisode de l’histoire de la taille à la fin du XIIIe siècle peut se répéter chaque année, tantôt sur un point, tantôt sur un autre, souvent sur un grand nombre simultanément, pendant cinq cents ans.

Et quand ce n’est pas la violence, ce sont les procès, les poursuites, les procédures interminables et ruineuses, les emprisonnemens.

Que de fois Colbert, en particulier, se plaint, donne des instructions pour réformer les abus scandaleux dans l’établissement ou la perception de la taille, pour adoucir le poids du terrible impôt !

« A l’égard des fusiliers, — écrit-il à Pellot, intendant à