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hépatiques de ces animaux. Mais Setti, dans le même temps, en rencontrait au contraire.

On peut considérer que la question est résolue d’ores et déjà indirectement par les observations de Biedermann et celles de Saint-Hilaire et de Cuénot. Ces auteurs ont nettement prouvé que, chez les mollusques et les crustacés, l’absorption alimentaire était opérée principalement ou exclusivement par le foie. Par un artifice ingénieux, Biedermann a montré que les alimens pénétraient jusque dans les canalicules hépatiques les plus déliés. — Si l’on nourrit un escargot avec un mélange de farine et d’albumine finement divisée et colorée par le carmin, on ne retrouve plus, après quelques heures, l’albumine dans les canaux hépatiques soumis à la coupe : les grains d’amidon y sont encore, le carmin y est aussi, fixé sur des cellules spéciales du revêtement. L’albumine a donc été rapidement digérée et absorbée : la matière colorante qui lui était incorporée marque ! a place où elle a disparu ; et on voit que c’est exclusivement au niveau du foie.

Une étude approfondie a montré que la masse alimentaire est alternativement poussée de l’intestin dans le foie, et du foie dans la cavité gastro-intestinale. Il y a là un mouvement de va-et-vient qui se perpétue jusqu’à ce que la plus grande partie de la masse digérée ait subi l’absorption. Ce flux et ce reflux du foie à l’intestin et de l’intestin au foie peut être regardé, soit dit en passant, comme le rudiment de la circulation hépato-intestinale de la bile qui existe chez les mammifères.

Le foie des mollusques, d’après tout ce que l’on vient de dire, ne serait pas seulement un organe accessoire de l’absorption, il en serait l’instrument principal. Et l’intestin, contrairement à l’opinion commune, né jouerait, dans cet acte, qu’un rôle à peu près nul.

Il en est de même chez les crustacés. Le canal intestinal de l’écrevisse n’absorbe pas même les colorans diffusibles comme la vésuvine : il n’absorbe pas les peptones. Cependant il faut dire que l’intestin, — et seulement l’intestin moyen, — intervient jusqu’à un certain point dans l’absorption des matières grasses. Lorsque l’écrevisse ou le crabe a fait un repas riche en graisse, on trouve encore, deux jours après, le tube digestif rempli d’une émulsion abondante ; mais pas une seule des cellules intestinales baignées par cette émulsion n’a absorbé une gouttelette de graisse. Il n’y a d’exception que pour une petite zone de l’intestin moyen qui représente à peine la vingtième partie de sa superficie totale.