Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

semaine de nuit : les autres ateliers ne travaillent que de jour.

Jadis les ouvriers verriers des halles de fusion fournissaient en deux fois leur journée, qui était également de dix heures : ils travaillaient cinq heures, puis se reposaient sept heures, puis reprenaient de nouveau le travail pour cinq heures, de sorte que les vingt-quatre heures se trouvaient ainsi partagées : cinq, sept, cinq, sept. Maintenant, depuis la loi du 30 mars 1900, l’inspection du travail oblige à couper : dix et quatorze, à faire consécutivement les dix heures de la journée ; et cela contrairement au vœu, malgré les protestations des ouvriers, qui ne le désiraient pas, qui ne le demandaient pas ; — ce qui accuse encore un péché du législateur et peut-être son plus gros péché en matière sociale et ouvrière, qui est de légiférer trop théoriquement, par des lois trop générales ; de prétendre, en dépit du bon sens et contre la nature des choses, ramener à une unité irréalisable tant de diversité et de complexité ; de créer des obligations positives sans tenir assez de compte des obligations plus positives encore que l’industrie elle-même impose à l’industriel, et le travail au travailleur : l’erreur justement, et le péché, quand l’acte législatif la consolide en quelque façon et la consacre, de dire : l’industrie ou le travail, et non « les industries » et « les travaux, » qu’il faudrait dire, car ce sont des questions qu’il faudrait ne jamais traiter qu’au pluriel, en y mettant autant de nuances, en y distinguant autant de cas qu’il y a d’industries différentes et de travaux différens dans chaque industrie. La question ouvrière est une question d’espèces.

Que si d’ailleurs, étant une question d’espèces, — alors que la loi est de son essence une abstraction, — étant multiple et multiforme, — alors que la loi est uniforme et une, — il s’élève entre la question ouvrière et sa solution par la loi comme une antinomie foncière et radicale, comme une contradiction dans les termes qui rend cette solution impossible ; ou si peut-être une telle contradiction ne serait pas inconciliable, en tâchant de donner à la loi plus de souplesse et plus de facilité d’adaptation aux espèces changeantes de la question ouvrière, mais si, malheureusement, ceux-là qui réclament avec le plus d’énergie et de certitude, en tout domaine et à tout propos, l’intervention législative sont les premiers et les mêmes qui en faussent les effets et qui la compromettent par leur manie puérilement pseudoscientifique de systématiser à outrance ; ce n’est point ici le lieu