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amie et légataire de la reine Hortense, grand colonel d’empire, grand bonapartiste, comptant que plus que jamais le moment est arrivé pour le prince Louis (absolument comme M. de Genoude ou M. de la Rochefoucauld pour Henri V) et le disant tout haut. Sa thèse, hier, était que M. de Lafayette, s’il n’était mort, aurait travaillé à la Restauration bonapartiste, et qu’il avait pris avec le prince Louis les engagemens les plus sacrés ; elle avait vu les lettres, elle ne doutait de rien ; impossible d’obtenir un petit mot de sous amendement de sens commun. Elle sortait, triomphante comme un porte-drapeau et regardant de l’œil des brochures bonapartistes qu’on avait laissées sur la cheminée et apportées du matin, elle sortait, quand la duchesse de Raguse est entrée, autrefois charmante, aujourd’hui boule et une moitié de nez de moins (par suite d’un cancer heureusement guéri), mais toujours spirituelle, et tout le monde a ri de Mme Salvage, tout en reconnaissant la sincérité de son dévouement ; car il faut toujours que, même dans la raillerie, chez Mme Récamier, la charité soit sauvée. On raille après cela plus à son aise et avec une plus douce conscience. J’oubliais parmi les témoins et survenans M. Briffaut, de l’Académie, et le duc de Noailles. En tout la chambrée était délicieuse. Olivier a droit de me dire : à quoi bon cette vignette de boudoir après l’œil-de-bœuf de Saint-Simon ?

« Si Olivier voulait m’envoyer tout son morceau sur Davel[1]on l’insérerait avec grand plaisir dans la Revue des Deux Mondes ; il n’aurait à s’inquiéter en rien de la note, je la ferais ; on lui enverrait les épreuves s’il le fallait ; autrement, je les reverrais. Ce serait bien que ce morceau de son livre eût une publicité toute française ici. Tachez, madame, de le décider. Buloz l’a été tout

  1. Le major Davel, patriote et religieux exécuté en 1725 pour avoir tenté d’affranchir le pays de Vaud de la domination bernoise. Il en sera souvent question dans les lettres qui vont suivre :
    Car vous gardez en vous, fils de Tell, de Davol,
    Le culte uni des deux patries.
    disait Sainte-Beuve aux étudians vaudois, le 31 décembre 1837, dans une pièce de vers en réponse au chant de bienvenue qu’ils lui avaient adressé à son arrivée à Lausanne. (Notes et Sonnets. Poésies complètes, t. II, p. 290.)