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fonctionnelle des êtres vivans. Elle donne naissance à un grand nombre de produits qui doivent être rejetés, parce que, inutiles ou toxiques, ils encombreraient les tissus ou les empoisonneraient. Ce sont des composés très simples tels que l’acide carbonique et l’eau qui peuvent être éliminés par tous les émonctoires ; l’ammoniaque et l’acide sulfurique dont une partie passe à la condition de sels et est rejetée à cet état. Mais la catégorie la plus nombreuse de ces déchets comprend des corps dont la plupart ne peuvent pas être éliminés sous leur forme actuelle et doivent être préalablement changés en urée. C’est le foie qui s’acquitte de cette transformation[1]. Il l’opère avec le concours de l’oxygène. Lui seul est capable de cette besogne indispensable. En l’exécutant, il annihile des poisons redoutables ; et, par-là, la fonction uropoïétique se confond avec la fonction antitoxique.


Le foie est encore un instrument de protection efficace contre les poisons que la circulation lui amène. Les uns, surtout les poisons minéraux, sont rejetés en partie avec la bile ; d’autres sont simplement arrêtés et fixés dans le tissu hépatique ; d’autres enfin, et particulièrement les alcaloïdes végétaux, sont ensuite dénaturés. C’est Lautenbach qui, en 1876, a nettement signalé cette fonction antitoxique : Schiff, en 1877, puis Heger, appelèrent l’attention des physiologistes sur cette faculté remarquable. V. Jacques y insista à nouveau en 1880. A partir de ce moment, les expérimentateurs n’eurent plus qu’à allonger la liste des exemples particuliers de cette protection, en montrant que tel ou tel alcaloïde perd une plus ou moins grande partie de sa toxicité si, en l’introduisant par la veine-porte, on le met en présence du foie avant qu’il ait pu agir sur les tissus. Capitan, Gley, Chouppe, H. Roger se sont distingués dans des études de ce genre. H. Roger a montré que cette protection s’étendait aux produits de putréfaction qui prennent naissance dans l’intestin et en général aux ptomaïnes. Les poisons microbiens eux-mêmes n’y échappent point.

  1. Ces composés forment trois séries. La première est la série des acides aminés, la leucine, la tyrosine, l’acide aspartique et le glycocolle, qui proviennent de la désintégration de l’albumine ; la seconde est la série des purines, à savoir l’acide urique, les urates et les bases xanthiques qui résultent de la désintégration de la nucléine ; enfin la série des composés ammoniacaux comprenant des sels d’ammoniaque à acides organiques et des carbamates produits plus particulièrement dans le tube digestif et ses annexes. — Tous ces corps sont transformés en urée dans le laboratoire hépatique, et là seulement. — Cela ne veut pas dire qu’il ne se forme pas d’urée ailleurs que dans le foie et, en fait, une petite partie apparaît dans les tissus comme produit direct de la destruction protéique.