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le plus grand intérêt, pour le maintien de la paix, en Extrême-Orient, à voir observé loyalement de part et d’autre, pacte qui consiste en la neutralité de ce royaume, formant en quelque sorte Etat-tampon entre les deux grandes puissances asiatiques, en présence de chaque côté des rives de la mer Jaune et de la mer du Japon.

Il existe bien, il est vrai, au Japon, un jeune parti exalté, impatient, mécontent jusqu’à l’exaspération de ne pouvoir mettre à profit la supériorité des forces militaires de cette nation sur les autres races de l’Extrême-Orient pour, passant outre aux clauses du traité de Simonosaki, prendre enfin pied sur le continent asiatique. Dans ce parti quelques-uns, et en vue, disent-ils, de faire sanctionner, d’une manière éclatante, cette fois, la suprématie de l’Empire du Soleil Levant dans les mers de l’Extrême-Orient, n’hésitent pas à déclarer que le temps est venu de montrer au monde que le Japon est en mesure de lutter avantageusement contre le Colosse du Nord, ou contre toute autre puissance occidentale qui tenterait de s’opposer à la réalisation de son programme d’extension territoriale ou de ses divers autres projets ; que, bien plus, il y aurait urgence, pour le succès des armes japonaises, à saisir sans retard toute occasion qui se présenterait d’engager immédiatement les hostilités. Il en est même d’assez présomptueux pour s’écrier que de Tokio à Moscou, la route n’est point déjà si longue et qu’elle a été maintes fois déjà parcourue ! Une nation n’est point responsable de ces écarts de tempérament, ni de ces excès de langage, que peuvent seuls inspirer le fanatisme ou un patriotisme mal éclairé.

Il ne manque point, heureusement, aussi, dans un autre parti, de gens sages, clairvoyans et prudens qui, discernant les véritables intérêts de leur pays, ont conscience qu’une période de recueillement, — qu’une paix intérieure, dégagée de toute préoccupation d’embarras extérieurs, peut seule donner, — lui est aujourd’hui indispensable pour lui permettre d’examiner le résultat des efforts poursuivis et de calculer la somme de ceux qui restent encore à réaliser pour parfaire cette évolution si rapidement accomplie jusqu’à ce jour, vers le progrès dans toutes les branches de la vie des peuples : science, industrie, commerce, marine, armée, etc. S’appuyant sur cette armée et sur cette marine, qui ont fait leurs preuves, pouvant se considérer presque comme inviolable dans la plus grande partie de