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Cette même affirmation de la nécessité absolue d’une armée puissante et cette protestation contre les promoteurs de l’idée d’un désarmement de la Chine, nous les trouvons exprimées d’une manière non moins énergique, par Tcheng-Tchi-Tong, dans une entrevue que ce haut mandarin eut avec un publiciste français à Ou-Tchang :

« Quand nous aurons acquis les trésors de la science européenne, disait Tcheng-Tchi-Tong, il nous faudra les garder et, pour les garder, il nous faudra une armée. En ces temps-ci, quelques lettrés, voyant l’état de la Chine devenir chaque jour plus critique, proposèrent d’entrer dans la société européenne du désarmement. Ce projet est de nature à nous attirer de plus terribles humiliations encore. Tout le monde parle de la paix et personne ne songe à la faire. L’Allemagne a pris possession de Kiao-Tchéou, par la force des armes : et la Russie de Port-Arthur. Depuis vingt ans on n’entend parler d’autre chose que de l’augmentation de la marine, que de nouvelles dépenses pour l’armée. Tous les pays se disputent à qui aura le plus de canons et de fusils, sans qu’il soit question de s’arrêter jamais. Si nous avons des soldats, les royaumes forts rechercheront notre amitié. Au contraire, si nous n’avons pas de soldats et attendons que les autres royaumes suppriment les leurs, ne sera-ce pas nous exposer à la risée de tout le monde[1] ?

« En vérité, les projets de désarmement n’auraient d’autres résultats que de précipiter notre ruine. Les autres puissances nous voyant à un tel point faibles, irrésolus, se lèveraient, sans doute, toutes ensemble, pour partager l’empire[2]. »

Les mêmes réformateurs patriotes qui reconnaissent la nécessité de la création d’armées et de flottes puissantes, reconnaissent également l’obligation où se trouve la Chine de s’adresser à l’Occident pour acquérir la connaissance de ces sciences, sans laquelle il n’est plus, pour les peuples, de progrès possibles dans la lutte des intérêts internationaux de tout ordre. Ils préconisent l’institution, en Chine, d’une sorte d’ « enseignement moderne

  1. La Chine, par M. G. Donnet.
  2. Ibid.