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surplombant la plage d’une hauteur de plus de 500 mètres, rappelle par ses escarpemens le rocher de Gibraltar. La beauté et l’excellence de sa rade, la force de ses défenses naturelles, sa situation près de l’entrée de la Mer-Rouge, à mi-chemin de Suez à Bombay, font d’Aden une station de premier ordre et comme point commercial et comme point militaire. « Aden a une importance maritime supérieure, disait dans son rapport le capitaine Haines, et cette supériorité, elle la doit à ses excellens ports qui sont situés à l’est et à l’ouest. Cette station offre à la fois un abri aux flottes et un facile accès dans les provinces de l’Yémen et de l’Hadramaout. C’est une forteresse imprenable. De tels avantages sont trop évidens pour qu’il soit besoin d’insister. » Il n’y eut pas lieu d’insister, en effet. En 1839, sous prétexte de venger des actes de piraterie, les Anglais enlevaient Aden d’assaut, et le sultan de Lahedj devait céder ce port contre une pension annuelle payée par le gouvernement de l’Inde. Leur ambition, satisfaite de s’être assuré par l’occupation d’Aden tous les profits du commerce avec l’Yémen et l’Hadramaout, aurait pu se borner pour un temps assez long à la possession de cette station, si l’imminence de l’ouverture du canal de Suez ne fût venue les décider à étendre leur action dans ces parages.

Déjà, l’Angleterre possédait sur la côte méridionale d’Arabie les îles de Kourya-Mourya, que lui avait cédées, en 1854, le sultan de Mascate ; l’îlot de Périm, déjà occupé à deux reprises au commencement du siècle et abandonné, fut occupé pour la troisième fois en 1859 et d’une manière définitive ; puis, quand le canal fut ouvert, le gouvernement britannique ne songea à rien moins qu’à annexer l’Hadramaout. L’année même de l’ouverture du canal de Suez, en 1869, eut lieu la cession de Lahedj par Abd-el-Merzen, dont les possessions s’étendaient d’Aden au Djebel Khorzaz, c’est-à-dire à la frontière orientale du territoire des Akhemis, possesseurs de Cheïk-Saïd. La pénétration britannique se fit à la fois, dans le rayon immédiat d’Aden, sur le littoral et à l’intérieur. La colonie s’agrandit par des achats faits aux petits chefs du voisinage et aussi par intimidation. Grâce aux thalaris, les petits chefs des environs d’Aden devinrent des agens dociles de la Grande-Bretagne. L’organisation politique de l’Hadramaout favorisait singulièrement les vues annexionnistes de la politique britannique. Des frontières de l’Yémen à l’Etat d’Oman, cette partie de l’Arabie n’est pas constituée en un État