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progrès de la civilisation, une prise de possession plus définitive nous sera commandée et l’Union Jack flottera aux yeux de tous sur le château de Mascate. »

Il importe d’ailleurs de remarquer que le sultanat de Mascate actuel est bien déchu du haut degré de puissance auquel il était parvenu sous le règne de Seyd-Saïd. Sa magnifique flotte n’est plus ; elle a été vendue en 1863 par Thowéini. Sybarite dans la vie privée, négligent dans la vie politique, ce prince laissa les chefs locaux administrer en son nom le royaume, et l’Oman est aujourd’hui moins un État qu’une agrégation de municipalités. Chaque ville, chaque village a son existence propre et un chef particulier dont le pouvoir est restreint seulement par les immunités de ses administrés et par les prérogatives de la cour. Quant au sultan, il se borne à nommer ou à déposer les chefs locaux, à régler les droits de douane, à signer les traités et à décider de la paix et de la guerre. L’affaiblissement du pouvoir central a eu pour conséquence l’amoindrissement territorial de l’État. Non seulement le sultanat de Mascate a perdu ses anciennes possessions en Afrique, mais encore, en Asie, il a dû abandonner, de l’autre côté du golfe Persique, la côte iranienne jadis conquise sur la Perse, et de la côte du Béloutchistan il n’a gardé que le port de Guador.

Les îles du golfe Persique, Kischm, Laredj, Ormuz, Hendjam, Kaïs ont été également perdues pour lui, ainsi que Socotora et les îles Kourya-Mourya, à proximité du golfe d’Aden. Théoriquement, cet État s’étend encore sur la côte arabique depuis Mirbat jusqu’au Katar, mais, même là, le territoire qui en dépend se rétrécit de jour en jour. Sur la côte méridionale d’Arabie, l’autorité du sultan est en bien des points nominale ; sur la côte occidentale, elle n’est guère reconnue que jusqu’au cap Masandam, pointe avancée dans le détroit d’Ormuz ; au-delà, le littoral du golfe Persique formant l’ancienne côte des Pirates se détache peu à peu de lui, et les Anglais ont pris pied en 1896 dans la presqu’île du Katar, à Zabara et à Wokra. Sans doute l’étendue des côtes qui composent l’Oman est encore considérable, près de deux mille kilomètres de long ; mais la superficie totale de l’État n’est pas en rapport avec le développement du littoral ; là où l’Oman s’avance le plus loin dans l’Intérieur, sa largeur ne dépasse pas deux cent quarante kilomètres. Le pays est d’ailleurs, dans son ensemble, relativement pauvre. Le littoral