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la Perse qui est surtout visée ; et, sur ce terrain, l’ardeur imprimée à la politique anglo-indienne par le gouvernement des Indes n’a d’égale que l’activité prodigieuse déployée par la Russie. Mais, tous comptes faits et toutes considérations pesées, ces intérêts ne sont pas inconciliables, la lutte engagée peut se dénouer d’une manière pacifique, et telle solution peut intervenir sans que les intérêts de la Russie et de l’Angleterre soient lésés et sans que l’indépendance de la Perse ait à en souffrir.

Raconter la série des faits et des événemens qui ont amené la situation actuelle dans le golfe Persique, conduit l’Angleterre à dominer en Arabie, créé le conflit d’intérêts et d’influences qui s’agitent sur le plateau de l’Iran ; montrer aussi que ces intérêts ne sont pas tellement exclusifs qu’ils ne puissent coexister et se développer concurremment, tellement impératifs qu’ils ne puissent recevoir satisfaction que par l’absorption du pouvoir indigène : c’est ce que nous allons entreprendre.

Au cours de cette étude, nous aurons à parler de la méthode suivie par l’Angleterre et la Russie pour établir leur hégémonie dans le golfe Persique et les régions riveraines et à en faire ressortir les résultats. C’est la méthode qui consiste non à se camper fièrement sur les traités, à en exiger l’application avec de rageuses tracasseries, mais à se faire le protecteur du pouvoir indigène et à s’acquérir les sympathies de leurs sujets. C’est la politique d’expansion pacifique, qui aboutit en définitive à la mainmise sur un pays sans assumer les charges et les dépenses de l’annexion. Cette politique a valu à l’Angleterre sa position prépondérante en Arabie et dans le golfe Persique, et elle vaut en ce moment à la Russie, qui s’est empressée d’adopter la méthode de sa rivale, pour la mieux combattre avec ses propres armes, ses tout récens et étonnans succès.


I. — PREMIÈRES TENTATIVES DES ANGLAIS POUR IMPLANTER LEUR INFLUENCE DANS LE GOLFE PERSIQUE

La Compagnie des Indes, autorisée par Elisabeth d’Angleterre en 1599, avait à peine fondé quelques comptoirs dans l’Inde et pris pied sur la côte de Coromandel, elle n’avait pas encore acquis Bombay, et déjà son attention se portait sur le littoral du golfe Persique. Là, à la fin du XIVe siècle, les Portugais dominaient ; ils s’étaient montrés dans ces parages, eux aussi,