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Saint-Ouen de Rouen, » cette célèbre abbaye bénédictine, plusieurs fois ruinée, toujours plus opulente et plus magnifique, et, sous ses abbés successifs, Emmanuel-Joseph de Richelieu et le cardinal de Bouillon, intangible.

Telle fut, et en abrégé, de 1627 à 1666, l’histoire de la Compagnie du Saint-Sacrement.

Admettons, si l’on veut, que notre principal auteur pour cette histoire, Voyer d’Argenson, dans son enthousiasme et sa tendresse pour une association qu’il voudrait, en 1700, persuader à l’archevêque de Paris de relever[1], ait quelque peu exagéré et son activité et les effets de cette activité ; — quoique, cependant, ce ne fût pas l’intérêt de sa thèse ; — quoique, en outre, il prenne la précaution, ù chaque instant, d’indiquer ceux des projets des confrères qui ne furent pas exécutés ; — quoique, enfin, les registres des Compagnies de Limoges et de Grenoble attestent à peu près la même variété de soins que les mémoires de celle de Paris.

Admettons encore qu’il ne faille pas faire honneur à la Compagnie, comme D’Argenson et M. Allier y sont portés, de toutes les œuvres de charité ou de réformation qui se sont produites au XVIIe siècle. Laissons, jusqu’à plus ample informé, à l’abbé Bourdoise, au Père Eudes, à Henri Boudon, au Père de Condren, au Père J. -B. Gaud, au « bon Henri Buche, » au président de Bernières, à M. De Benty, à M. Olier, à Mmes de l’Estang, de Polaillon et de Miramion, enfin à saint Vincent de Paul, le mérite et de l’initiative et de la plus grande part d’exécution, — quoique, ici encore, les faits patiemment réunis et ingénieusement commentés par M. Allier soient considérables, et propres à diminuer l’idée que nous avons eue jusqu’ici du rôle personnel de saint Vincent de Paul[2].

Ces concessions et ces restrictions faites, si tant est qu’il faille les faire, il n’en reste pas moins un ensemble imposant de faits certains, attestant avec surabondance, chez la Compagnie du Saint-Sacrement, une énergie persévérante, qui ne se contentait pas d’interventions platoniques et de mises en train, mais qui suivait ses projets, et qui en poursuivait, par tous les moyens, la

  1. D’Argenson, p. 7, 8, 265, etc.
  2. Cf. les très justes réflexions du P. Clair dans le même sens (Études, 1888. t. 45, p. 551). Je note pourtant que, dès 1617, Vincent de Paul fondait (à Châtillon-les-Dombes) l’association de la Charité et des Servantes des Pauvres.