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fraction par fraction, vaisseau par vaisseau, cet ennemi ébloui, incertain, paralysé dans sa formation rigide, soit enveloppé, écrasé de feux, réduit à merci.

C’est, nous l’avons déjà dit, le triomphe de l’initiative.


Oui, mais, précisément, est-ce par l’esprit d’initiative, par l’audace individuelle, par la haute et sereine confiance qui rejette au second plan la crainte des responsabilités, que se feront remarquer les officiers sortant des rangs ? On sait assez que non, — toutes exceptions personnelles admises. Comment l’aire, alors, s’il est vrai que ce sont justement ces facultés qu’exigeront le maniement rationnel de nos nouvelles unités et l’application de la tactique de l’enveloppement ?

Attendrons-nous, pour faire la guerre, que le problème de l’instruction publique intégrale ait été résolu et qu’à peu près tous les officiers, quelle que soit leur origine, se trouvent en possession de cette culture générale, littéraire et philosophique pour une large part, qui, dès l’aurore de notre vie intellectuelle, sait déjà fortifier nos âmes en élevant nos pensées ? — Mais nos rivaux consentiront-ils à retarder jusque-là une agression dont les diverses « réorganisations » qui nous menacent ne tarderont peut-être pas à leur donner la dangereuse tentation ?

Ou bien encore, pour reprendre en sous-œuvre un édifice d’éducation dont la base resterait trop étroite, ferons-nous passer systématiquement par l’Ecole supérieure tous les officiers sortant du rang ?… Mais il est bien tard, alors, pour changer le pli d’un cerveau ; et, au demeurant, ce n’est point la quantité des connaissances qui importe, dans la formation des caractères, c’est leur choix ; et puis, ces connaissances, il faut les digérer, se les assimiler, les transformer en énergie, en force morale, en puissance de conception et de réflexion ; il faut que « savoir » devienne « pouvoir… »

Avouons-le : tout cela serait chanceux ou insuffisant, dangereux aussi pour quelques-uns, qui perdraient de leurs facultés d’action sans gagner assez du côté de la réflexion. Nous devons trouver autre chose, tourner nos efforts, par exemple, vers la culture pratique de l’initiative individuelle au cours même de la carrière de l’officier, dans l’exercice de ses fonctions normales. Et, puisqu’il s’agit surtout de celui qui sort du rang, pourquoi ne s’attacherait-on pas à lui fournir, encore sous-officier, l’occasion