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ne peut soupçonner l’attachement aux « principes, » et qui s’étaient fait le plus d’illusions sur les résultats des diverses réorganisations subies à cette époque par le corps des officiers de vaisseau.

Mais il y a lieu de craindre que tout ce qu’on pourrait dire dans ce sens reste inutile, et il faut donc, sans se décourager, examiner attentivement quel parti l’on pourra tirer, du moins au point de vue qui nous occupe plus particulièrement dans cette étude, du corps des officiers de marine, tel qu’il sera, suivant toute apparence, composé dans quelques années. Car enfin, il serait dangereux de s’entêter à un système général de tactique navale, si l’application en devait être contrariée par les tendances de ceux-là mêmes qui seraient chargés de le mettre en jeu. Et cette nécessité de l’adaptation de la tactique aux facultés spéciales du personnel avait été parfaitement reconnue par les généraux républicains. L’emploi de l’ordre dispersé, des grandes bandes de tirailleurs appuyées sur de souples colonnes de bataillon, n’eut d’autre motif que l’impossibilité d’obtenir des manœuvres bien ordonnées, des lignes correctes, des feux exactement réglés de nos jeunes, soldats réquisitionnés, encore qu’ils fussent encadrés par les vétérans de l’armée royale. Peut-être, en dépit de l’inexpérience de la plupart des officiers de vaisseau de la période révolutionnaire, malgré la timidité manœuvrière dont ils faisaient preuve, consciens de leur insuffisance, l’issue de notre conflit avec la Grande-Bretagne eût-elle été fort différente, s’il s’était trouvé chez nous des chefs capables de comprendre qu’à une nouvelle situation morale devait correspondre une nouvelle tactique, qu’à de nouveaux ouvriers et d’inexpérimentés, il fallait proposer des méthodes plus simples. Malheureusement, ce furent nos adversaires qui, avant nous, s’avisèrent d’abandonner la tactique savante et circonspecte de la guerre d’Amérique. Si, en 1794 et 1795 encore, Howe s’embarrasse, devant Villaret-Joyeuse, déformations surannées, et Hotham, d’une prudence qui n’était pas de mise en présence d’un adversaire comme l’amiral Martin, Jervis un peu plus tard, Saumarez, Sidney-Smith, Nelson surtout et les officiers de son école, rejettent résolument les évolutions méthodiques et n’admettent plus qu’une seule manœuvre, attaquer dans un brusque corps-à-corps un ennemi dont on a cessé de redouter la riposte et compter sur le coup d’œil, sur l’instinct militaire des capitaines pour que,