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confiance dans l’armement, la tactique et les navires. Ne parlons d’abord que de l’éducation militaire du personnel subalterne et ne craignons pas d’affirmer qu’elle est en ce moment compromise, autant, du reste, par notre propre insouciance ou plutôt par une sorte de découragement fataliste que par les tendances anarchiques de l’époque et par des complaisances dont ceux qui s’y laissent aller ne mesurent sans doute pas tout le danger. Il est vrai qu’il faudrait aux caractères une trempe bien solide et un tact bien délicat pour lutter avec fermeté, mais avec une fermeté sage et discrète, contre de si puissantes causes de désorganisation !…

Quoi qu’il en soit, c’est un lieu commun aujourd’hui de dire que la discipline est ébranlée. Cela le deviendra demain, si l’on n’y prend garde, de dire qu’elle est ruinée, ruinée comme elle le fut en 1790 et en 1791, par les soupçons que l’on inspirait aux subordonnés contre leurs chefs, par les humiliations qu’on prodiguait à ceux-ci tandis qu’on exaltait l’orgueil de ceux-là, par les espérances extraordinaires qu’on les autorisait à concevoir et dont la réalisation devait entraîner pour le succès de nos forces navales de si tristes conséquences. Mais, du moins, à cette époque dont nul ne conteste la terrible grandeur, si les excitations révolutionnaires poussaient les équipages à l’insubordination, à la défiance des supérieurs, au mépris de l’autorité, elles n’atteignaient point le patriotisme ; et que ce fondement essentiel soit alors resté inébranlable, cela devait suffire un jour à la restauration des vertus militaires. Quand on entend, quand on lit ce qu’entendent, ce que lisent nos hommes, on n’ose vraiment plus se demander s’il en serait encore aujourd’hui comme il y a cent dix ans, dans un nouveau et plus complet naufrage de nos institutions maritimes.


Mais où les préoccupations deviennent les plus vives, c’est quand on considère la crise que traverse en ce moment le corps des officiers de marine. Considéré comme « aristocrate, » malgré la médiocrité d’origine de la plupart de ses membres, et comme « clérical, » en dépit de leur indépendance d’esprit, qui va jusqu’à une certaine exagération d’individualisme, ce corps a, depuis trois années, cessé de plaire. Le souvenir des services rendus aux heures les plus sombres, d’un héroïsme et d’un dévouement jamais démentis, d’ailleurs, ce souvenir dont on est heureux de