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reviennent naturellement à l’appareil moteur et à l’approvisionnement de charbon. Pour l’appareil moteur, il faut se montrer généreux, si l’on veut obtenir cette vitesse de 23 à 24 nœuds, intimement liée à nos méthodes de combat. Nous lui donnerons donc 20 pour 100, deux fois plus qu’à la Patrie et un peu plus qu’à l’Ernest-Renan[1], dont la vitesse sera de 23 nœuds juste, tandis que nous attribuerons 9 pour 100 au combustible, ce qui suffit largement, réserve faite de la faculté d’embarquer, en cas de besoin, une plus grande quantité de charbon dans des soutes supplémentaires.

Point de matériel de torpillerie, à bord de notre nouvelle unité de combat, qui doit éviter, non seulement la mêlée, mais même les engagemens rapprochés[2]. Les 5 pour 100 du déplacement total qui nous restent reviendront intégralement à l’équipage, aux vivres, à la mâture, aussi réduite que possible, aux embarcations, dont on peut aisément diminuer le nombre, à condition de les doter de moteurs électriques[3] ; enfin, au « disponible, » réserve qu’un constructeur prudent se ménage toujours pour obvier aux conséquences des erreurs de calcul, de l’augmentation inattendue des poids des matières et engins, aux conséquences, surtout, des « desiderata » émis au dernier moment par les services militaires.

Que si, maintenant, nous partons du poids absolu de notre artillerie (engins, agrès et munitions compris), poids que l’on peut évaluer approximativement à 1 550 tonnes, il nous est facile de dresser le devis sommaire des poids du bâtiment et d’obtenir son déplacement total. C’est ce que montre le tableau ci-contre :

  1. Si surprenant que cela puisse sembler aux lecteurs de la Revue, un de nos grands croiseurs cuirassés sera « baptisé » du nom d’Ernest Renan. Les motifs tout d’abord un peu obscurs de ce parrainage inattendu, dont l’ombre du doux et religieux sceptique doit bien s’égayer, apparaissent plus clairement quand on rapproche ce nom de ceux de quelques autres unités de notre flotte nouvelle : Jules-Ferry, Jules-Michelet, Edgar-Quinet. Ce mélange de marine, d’anti-cléricalisme, de cuirasse, de philosophie et de grande vitesse a une saveur spéciale que goûtera certainement la postérité.
  2. Le matériel en question n’est pas lourd et ne représente, en général, que 0,4 pour 100 du déplacement ; mais il est encombrant, compliqué, délicat ; les tubes sous-marins entraînent de graves difficultés de construction et la manœuvre en est difficile et peu sûre. En somme, la torpille automobile, très utile, indispensable même ailleurs, serait ici peu à sa place.
  3. Il existe déjà des embarcations de ce système. Le fonctionnement en est satisfaisant et l’on ne voit pas de motif sérieux de n’en pas multiplier le type. On étudie d’ailleurs aussi et on pourrait mettre bientôt en service, si on le voulait, des embarcations pourvues de moteurs à pétrole.