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plusieurs oyseaux de Turquie, qu’on portoit en Bretagne, pour les prendre et les luy aporter. »

Second exemple, non moins curieux et plus démonstratif. On lit, dans une lettre de Louis XI, datée de 1481, et adressée au prieur de Notre-Dame de Salles à Bourges : « Maistre Pierre, mon amy, je vous prie tant comme je puis que vous priez incessamment Dieu et Notre-Dame de Salles pour moy, à ce que leur plaisir soit m’envoyer la fièvre quarte, car j’ay une maladie dont les physiciens disent que je ne puis être guéry sans l’avoir ; et, quand je l’auray, je vous le feray savoir incontinent. » Voltaire, — qui est, comme on sait, le « bon sens incarné, » — a eu connaissance de cette lettre, et voici ce qu’il en dit dans un endroit de son Essai sur les mœurs : « On a conservé une des lettres de Louis XI à je ne sais quel prieur de Notre-Dame de Salles, par laquelle il demande à cette Notre-Dame de lui accorder la fièvre quarte, attendu, dit-il, que les médecins l’assurent qu’il n’y a que la fièvre quarte qui soit bonne pour sa santé. L’impudent charlatanisme des médecins était donc aussi grand que l’imbécillité de Louis XI, — on reconnaît à ces mots ce qu’on est convenu d’appeler la politesse habituelle du style de Voltaire, — et son imbécillité était égale à sa tyrannie… Il ne faut connaître l’histoire de ces temps-là que pour la mépriser. » Mais, au lieu de se faire de son ignorance une supériorité dont vraiment il abuse, si Voltaire eût pris la peine d’ouvrir quelque Manuel de thérapeutique contemporain de sa Zaïre ou de son Œdipe, il y eût rencontré des phrases comme celle-ci : « Si l’épileptique est une fois saisi de la quarte, le plus du temps il s’en porte mieux ; » et en latin : « Excretiones cutaneæ, scabris… et quartana febris epilepsiam solvunt. » Ce dernier texte est daté de 1758. En quoi d’ailleurs les médecins d’alors ne faisaient que reproduire cet aphorisme d’Hippocrate : « Les individus pris de fièvre quarte ne sont jamais atteints de la grande maladie (c’est l’épilepsie) ; et si, pris d’abord de cette maladie, la fièvre quarte leur survient, celle-ci les guérit de celle-là. » L’ « imbécillité » de Louis XI, implorant la fièvre quarte pour se débarrasser de son épilepsie ressemblait donc exactement à celle de Voltaire, quand il faisait les remèdes que Tronchin lui prescrivait. Que pensera-t-on, dans cinquante ans, des moyens par lesquels nous soignons aujourd’hui nos tuberculeux ; et qu’en penseront alors les médecins eux-mêmes ?

Troisième exemple. On lit dans le Journal de Jean de Roye, sous l’année 1482 : « Audit temps le roy fit venir grand nombre et grand quantité de joueurs de bas et doulx instrumens… entre lesquels y vint